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Covid-19 : quel sort pour le paiement des loyers commerciaux ?

Me Baptiste Robelin
Me Baptiste Robelin Avocat, spécialisé en droit des affaires Relu par Clémence Bonnet, Diplômée de l'École des Avocats

La France connaît depuis quelques semaines maintenant une crise sanitaire sans précédent liée à l’épidémie de Covid-19

Pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales engendrées par celle-ci, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un grand nombre de mesures exceptionnelles. 

Pour ce faire, la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 du 23 mars 2020, autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes les mesures qu’il juge utiles pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. 

C’est dans ce cadre que le Gouvernement a adopté pas moins de 30 ordonnances visant à permettre la mise en oeuvre de dérogations. Certaines ont pour objectif précis de mettre en place des dispositifs d’aides et de soutien financier aux entreprises touchées par la crise.

C’est notamment le cas de l’ordonnance n° 2020-316 : elle interdit toutes sanctions en cas de non-paiement par certaines entreprises dont l’activité est affectée par l’épidémie de Covid-19 du paiement de leurs loyers commerciaux.

Actualité  

Avec le second confinement, la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, publiée au Journal officiel le 15 novembre est venue rappeler les mesures déjà mises en place lors du premier confinement, par ordonnance du 15 mars 2020 (n° 2020-316).
Bien que la loi contienne quelques nouvelles mesures, le principe reste le même : bien que le paiement des loyers et charges restent dus par les locataires exploitants pendant la période de fermeture administrative, le bailleur ne pourra pas demander de condamnation du débiteur en cas de défaut de paiement. Le défaut de paiement par le locataire n'entraine aucune sanction.

La loi de novembre 2020 va même plus loin en interdisant au bailleur d'initier des "mesures conservatoires" contre son locataire. Ceci permet en principe au créancier de bloquer une somme d'argent ou un bien mobilier de son locataire afin que celui-ci ne le dissimule ou ne le dissipe pas avant paiement de sa dette. C'est une mesure préventive pour le créancier. 

Qui peut bénéficier de ce dispositif ? Quels sont les loyers concernés ? Que peuvent faire les entreprises qui n’y sont pas éligibles et qui peinent à payer leur loyer ?

Pour aller plus loin : découvrez en replay le webinar de Me Robelin sur les aides aux entreprises impactées par le Covid-19 ainsi que la fiche pratique sur le sort des loyers commerciaux

 

 

 

1/ Le dispositif de neutralisation des sanctions en cas de non-paiement des loyers commerciaux

 

Le fonctionnement du dispositif 

L’article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 prévoit que le défaut de paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux, dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et le 24 juillet 2020 (2 mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire décrété, sauf prolongation), n’entraîne aucune sanction pour les entreprises locataires

Il ne s'agit donc pas d'un dispositif de report de paiement, comme attendu. Cela signifie donc que les loyers commerciaux restent dus en principe. Seulement, les bailleurs ne pourront pas demander, au titre du non-paiement des loyers, la condamnation de leurs locataires : qu’il s’agisse de pénalités financières, d’intérêts de retard ou de dommages-intérêts, de la mise en oeuvre d’une clause résolutoire, d’une clause pénale ou toute clause prévoyant une déchéance, ou encore de l’activation de garanties. 

Autrement dit, même si une clause du contrat de bail commercial prévoit l’un de ces éléments, les bailleurs ne pourront pas l’appliquer, compte tenu du contexte actuel de crise sanitaire et de la nécessité de soutenir les entreprises.

Toutefois, pour bénéficier de ce dispositif, encore faut-il y être éligible.

 

Les entreprises éligibles au dispositif

Lors de son allocution du 16 mars 2020, le Président de la République a annoncé la mise en place d’un dispositif de suspension du paiement des loyers commerciaux pour soutenir la trésorerie des plus petites entreprises. 

Alors que certaines entreprises ont été soulagées suite à ces annonces, d’autres, dans le flou, attendaient avec impatience les précisions du Gouvernement.

Quelles sont les plus petites entreprises concernées ? Pour les identifier, faut-il prendre en compte leur chiffre d’affaires annuel, le nombre de salariés qu’elles emploient ou encore le type de structure juridique qu’elles occupent ?

Le Gouvernement a apporté des premiers éléments de réponse dans son ordonnance du 25 mars 2020. 

L’article 1 de l’ordonnance précise que seules peuvent bénéficier du dispositif de neutralisation des sanctions en cas de non-paiement des loyers commerciaux deux catégories d’entreprises

  • les entreprises qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure collective et,
  • les entreprises qui sont éligibles au fonds de solidarité.

 

Les entreprises qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure collective

Il s’agit de toutes les entreprises qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

L’ordonnance précise une condition : pour bénéficier du dispositif de report, une attestation doit être communiquée par l’un des mandataires de justice nommé par le tribunal dans le jugement d'ouverture de la procédure (mandataire judiciaire, administrateur judiciaire, etc). 

Ceci étant, aucune précision n’est apportée sur le contenu de l’attestation, ni sur son mode de communication. Un décret viendra sans doute nous éclairer dans les prochains jours.

 

Les entreprises qui sont éligibles au fonds de solidarité

Peuvent également échapper à toutes sanctions en cas de non-paiement de leurs loyers commerciaux les entreprises qui sont éligibles au fonds de solidarité. Mais qu’est-ce que le fonds de solidarité ? 

Parmi les mesures de soutien des entreprises adoptées par le Gouvernement, figure la création d’un fonds de solidarité pour une durée de 3 mois par l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020.

Concrètement, il s’agit d’une aide financière - de l'ordre de 1.500 euros - destinée à être versée aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du coronavirus. Un décret du 30 mars 2020 est venu préciser l'identité de ces entreprises.

Ainsi, peuvent bénéficier du fonds de solidarité - et donc, vous l'aurez compris, du dispositif de neutralisation des sanctions en cas de non-paiement du loyer commercial - les entreprises qui remplissent les conditions suivantes :

  • Les plus petites entreprises : celles réalisant moins d'1 million d'euros de chiffre d'affaires, moins de 60.000 euros de bénéfices imposables et ayant un effectif inférieur ou égal à 10 salariés (indépendant, profession libérale, micro-entreprise, TPE) ;
  • Les entreprises dont l'activité a été particulièrement touchée par la crise sanitaire : celles qui ont fait l'objet d'une fermeture administrative en application de l'arrêté du 15 mars 2020 (commerces non-alimentaires, restaurants,...) OU celles qui ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50% au mois de mars 2020, par rapport au mois de mars 2019 (tourisme, hébergement, activités culturelles, transports,...) ;
  • Les entreprises dont l'activité a débuté avant le 1er février 2020 ;
  • Les entreprises qui n'ont pas effectué de déclaration de cessation de paiement avant le 1er mars 2020 ;
  • Les entreprises dont le dirigeant n'est pas titulaire, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail ou d’une pension de vieillesse et n’a pas bénéficié, au cours du mois de mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros.

Pour percevoir l'aide financière en question, accessible depuis le 31 mars 2020, il suffit de se rendre sur le site des impôts, de se connecter sur son espace personnel (et non professionnel) et de remplir le formulaire. 

Dans ce contexte, que peuvent faire les entreprises non éligibles à l'aide forfaitaire et dont l’activité a été fortement dégradée par la crise ? Peuvent-elles quand même échapper aux sanctions en cas de non-paiement de leurs loyers ? Ou bien sont-elles tenues de le régler à l’échéance ?

2/ Les solutions alternatives pour les entreprises non-éligibles au dispositif de neutralisation des sanctions

 

La solidarité des organisations professionnelles et des bailleurs institutionnels

Certaines entreprises, qui peinent à maintenir leur trésorerie et qui ne pourront sans doute pas régler leur loyer à l’échéance, peuvent compter sur la solidarité et la compréhension de certaines organisations professionnelles et des bailleurs institutionnels. 

C’est le cas des entreprises situées dans les centres commerciaux. En effet, dans un communiqué de presse datant du 19 mars 2020, le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) a donné pour consigne à ses membres de suspendre les loyers et les charges locatives pour l'échéance du mois d'avril pour les TPE.

De même, à la demande du Gouvernement, les principales fédérations de bailleurs (l'AFG, l'Aspim, le CNCC, la FSIF, l'Unpi et la caisse des dépôts) ont demandé à leurs membres bailleurs, pour les TPE et les PME appartenant à l’un des secteurs dont l’activité est interrompue par l'arrêté du 15 mars 2020 (commerces non alimentaires, restaurants, etc), de :

  • suspendre les loyers pour l’échéance d’avril et  pour les périodes postérieures d’arrêt d’activité imposées par l’arrêté du 15 mars 2020 ;
  • proposer des échéanciers de remboursement adaptés.

Ainsi, il se peut que vous soyez concerné par l’une des mesures évoquées ci-dessus et que vous bénéficiez d’un report de vos échéances. 

 

 

3/ Le recours aux dispositifs légaux déjà existants 

 

Le report ou l’échelonnement des dettes

La loi prévoit la possibilité pour un débiteur de demander au juge d’ordonner le report ou l’échelonnement de ses dettes sur 2 ans. C’est le mécanisme judiciaire de l’article 1244-1 du Code civil. 

Il y a de fortes chances de penser que ce mécanisme peut également s’appliquer aux dettes locatives. 

 

L’invocation de la force majeure

L’épidémie de Covid-19 peut-elle être qualifiée de force majeure vous permettant ainsi de demander à votre bailleur la suspension du paiement de votre loyer commercial ?

Selon l’article 1218 du Code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur (extérieur), qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat (imprévisible) et dont les effets ne peuvent être évités pas des mesures appropriées (irrésistible), empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Pour invoquer la force majeure sur le fondement de ce texte, il faudra démontrer que l’épidémie de Covid-19 était imprévisible, irrésistible et extérieure.

Toutefois, si la démonstration des conditions d’imprévisibilité et d’extériorité ne semblent pas poser de problème, il en va autrement pour le caractère irrésistible de l’épidémie. 

En effet, tout dépend si votre local commercial a dû être fermé ou non.

Si c’est le cas, votre bailleur n’honore plus son obligation de délivrance du bien, donc la condition d’irrésistibilité est plus facile à démontrer.

A l’inverse, si votre local est toujours disponible, que vous pouvez y exercer votre activité sur le principe mais que votre baisse d’activité et de chiffre d’affaires vous empêche d’assurer le paiement de votre loyer, alors le caractère irrésistible est plus difficile à prouver. En effet, dans ce cas, l’exécution de votre obligation de paiement aura seulement été rendue plus difficile et non pas impossible par l’épidémie de Covid-19. 

Pour l’heure, dans ce cadre l’épidémie de Covid-19 n’est pas qualifiée de cas de force majeure. Mais il est toujours possible de demander à son bailleur la suspension des loyers sur le fondement de la force majeure. 

 

La négociation à l’amiable avec votre bailleur

Le Gouvernement a invité les entreprises locataires à se rapprocher de leurs bailleurs (notamment s’il s’agit de bailleurs privés) pour effectuer s'il y a lieu des demandes de report à l’amiable du paiement des loyers. Ainsi, si vous constatez une baisse de votre activité, de vos ressources, etc, il est vivement conseillé de contacter directement votre bailleur, par téléphone ou par mail. Vous pourrez ainsi lui demander s'il accepte d'étalonner vos dettes, compte tenu de votre situation financière actuelle.

 

4/ L’importance d’être accompagné par un professionnel

 

Vous l’aurez compris, il peut être difficile pour les entreprises d’obtenir la suspension ou le report du paiement des loyers commerciaux. 

Dans le contexte actuel de crise sanitaire, les mesures tendent à aider les entreprises les plus petites et les plus durement touchées par les conséquences de l’épidémie. Mais encore faut-il que ces entreprises comprennent les mesures dont elles bénéficient et les procédures à suivre, le tout dans l’urgence. 

Pour celles qui ne peuvent pas directement bénéficier des dispositifs d’aides, recourir à d’autres mécanismes légaux reste possible, ou bien tenter une négociation à l’amiable avec leur bailleur. Encore faut-il savoir la mener.

Pour toutes ces raisons, il est fortement conseillé de faire appel à un avocat spécialisé dans le domaine des baux commerciaux. Celui-ci sera le plus à même de vous aider à obtenir le report du paiement de votre loyer commercial. Il saura vous orienter vers la procédure la plus adaptée à votre situation et à vos besoins. 

 

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Je suis spécialisé en droit des affaires, droit immobilier commercial et droit des nouvelles technologies. J’accompagne et conseille de nombreuses sociétés, PME et grand comptes, ainsi que des commerçants dans le cadre de la cession de leurs actifs (cession de fonds de commerce et cession de droit au bail). Je travaille indifféremment en français et en anglais.

Relu par Clémence Bonnet

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