En 2012 démarrait une série de procédures pour l’autorisation de tests salivaires sur le lieu de travail. Ces tests permettraient notamment de détecter la consommation de produits stupéfiants chez des salariés occupant des postes qualifiés d’hypersensibles. Le Conseil d’Etat a tranché en décembre 2016, autorisant ainsi le test salivaire sur le lieu de travail, sous conditions.
SOMMAIRE :
Le contexte
L’affaire a démarré lorsqu’une entreprise spécialisée dans le BTP faisait valoir, dans son règlement intérieur, une disposition litigieuse. Celle-ci portait notamment sur les mesures particulières applicables aux postes « hypersensibles ». En outre, cette disposition donnait à la direction la possibilité d’organiser des contrôles aléatoires, afin de vérifier si les salariés, et notamment les grutiers et les conducteurs d’engins, n’étaient pas sous l’emprise de l’alcool voire de produits stupéfiants, durant leurs horaires de travail.
Le litige
Cette disposition du règlement avait notamment été contestée par l’inspectrice du travail territoriale du Gard de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Languedoc-Roussillon.
Par la suite, le ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social a demandé la suspension de ce jugement, et le rejet de la demande présentée par l’entreprise, au motif que le recours aux tests salivaires de dépistage de consommation de drogue n’était « pas pertinent au regard de l’obligation d’assurer la sécurité au travail qui s’impose à l’employeur ». Il avançait également que ces tests ne permettaient pas de considérer la quantité absorbée, l’impact sur l’aptitude du salarié à occuper son poste ou encore le moment de la consommation. Aussi, il arguait que certains médicaments étaient susceptibles de positiver les résultats au détriment de la bonne foi du salarié.
Enfin, le fait de prévoir qu’un employeur pratique, de manière indépendante, des tests salivaires et puisse prendre des sanctions disciplinaires en cas de résultat positif, constituait « une atteinte disproportionnée aux libertés des salariés » compte tenu de l’absence de fiabilité du procédé, et de sa « nature intrusive » (Cour administrative d’appel de Marseille, No 14MA02413).
La décision du Conseil d’Etat
Ainsi, dans une décision datée du 5 décembre 2016, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille. Il défend, par ailleurs, le fait que les entreprises soient autorisées à pratiquer un test salivaire de détection de produits stupéfiants.
Le droit de pratiquer des tests salivaires sur ses salariés
En outre, le Conseil d’Etat fait ressortir que le règlement intérieur d’une entreprise peut prévoir qu’un supérieur hiérarchique réalise des tests salivaires de détection de stupéfiants. Aussi, la possibilité de prendre une sanction à l’encontre d’un salarié dont le test se révélerait positif est tout à fait recevable. Pour cause, selon le Conseil d’Etat, cette disposition ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, par rapport au but recherché.
Les conditions
Il existe cependant des limites à cette liberté. En effet, pour le Conseil d’Etat, les contrôles aléatoires de consommation de substances stupéfiantes doivent être réservés aux postes dits hypersensibles, drogue et alcool. En effet, dans le cadre de ces postes, être sous l’emprise de l’alcool ou de toute autre stupéfiant peut potentiellement constituer un danger pour le salarié ou pour ses collègues, voire les clients de l’entreprise le cas échéant.
Aussi, si le test s’avère positif, le règlement intérieur doit prévoir le droit, pour les salariés, d’obtenir une contre-expertise médicale à la charge de l’employeur. D’ailleurs, le supérieur hiérarchique qui pratique le test est tenu de respecter le secret professionnel au sujet des résultats de celui-ci.
Enfin, il est important de noter qu’à défaut de la rédaction d’une clause conforme aux exigences du Conseil d’Etat dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service, le supérieur hiérarchique ne pourra pratiquer le test salivaire sur un salarié.
La mise en œuvre
Puisque le test peut être effectué par un supérieur hiérarchique, il ne requiert pas l’intervention d’un médecin du travail. C’est le cas notamment si le test n’a pas pour objectif de déterminer l’aptitude médicale du salarié à exercer son emploi.
Cependant, toutes ces dispositions s’appliquent à la réalisation d’un test salivaire de détection immédiate. Il ne revêt donc pas le caractère d’un examen de biologie médicale, et n’est donc pas soumis à l’obligation d’être réalisé par ou sous la responsabilité d’un biologiste médical.
Les sanctions possibles en cas de test positif
Si le test est positif, et si la contre-expertise médicale vient le confirmer, le salarié peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
D’un litige somme toute assez classique ont découlé plusieurs conditions pour la sécurité des entreprises mais aussi de leurs salariés. Pour un supérieur hiérarchique, pratiquer un test salivaire sur un employé afin de détecter toute consommation de drogue ou d’alcool est donc possible, sous conditions. Par conséquent, il est indispensable de veiller à ce que le règlement intérieur de l'entreprise soit mis à jour, et de respecter les exigences du Conseil d’Etat sur le sujet.