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Covid-19 : quelles mesures d’aides pour les entreprises impactées ? 

Me Baptiste Robelin
Me Baptiste Robelin Avocat, spécialisé en droit des affaires Relu par Clémence Bonnet, Diplômée de l'École des Avocats

Depuis la mi-mars, nombreuses sont les entreprises à subir de plein fouet les impacts du Covid-19. Pour leur venir en aide, le Gouvernement, les établissements financiers, etc. ont mis en place une multitude d’aides à destination des entreprises. Cependant, il peut être difficile de s’y retrouver au milieu de toutes ces annonces.

Pour vous accompagner durant cette période, Captain Contrat a organisé un webinar avec la participation exclusive de Me Baptiste Robelin, avocat spécialisé dans les baux commerciaux et Me David Smadja, avocat spécialisé en droit des sociétés. 

Vous souhaitez accéder gratuitement au replay du webinar ? 

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Nous avons récapitulé pour vous dans cet article les questions les plus posées par les entrepreneurs lors de cet entretien, ainsi que les réponses apportées par Me Robelin et Me Smadja. 

Les intervenants 

Maître David Smadja : avocat à la cour, associé fondateur du cabinet DJS Avocats, spécialisé en droit des sociétés. Il accompagne des sociétés innovantes à forte dimension technologique. Il intervient sur les opérations de haut de bilan (levée de fonds, BSA, BSPCE, BSA AIR) et assiste les dirigeants dans la structuration juridique et fiscale de leurs managements packages.

Maître Baptiste Robelin : avocat inscrit au barreau de Paris, associé au cabinet DJS Avocats, et spécialisé dans les domaines du droit des sociétés, du droit immobilier, des baux commerciaux, des cessions de fonds de commerce ou encore du droit des contrats.

 

 

1/ Quelles sont les dispositifs d’aides financières à disposition des entreprises ?

 

Me David Smadja : En cette période de crise sanitaire, de nombreux dispositifs d’aides ont été mis en place à destination des entreprises impactées : 

  • des aides financières nationales : ouvertes à toutes les entreprises quel que soit leur taille, leur secteur d’activité... ; 
  • des aides financières régionales, locales : restreintes à des activités spécifiques, en fonction du lieu du siège social… ; 
  • des dispositifs de reports et d’exonération

A cette occasion, nous allons nous concentrer aujourd’hui sur deux dispositifs d’aides connus : le fonds de solidarité et le Prêt Garanti par l’État (PGE)

 

Le Prêt Garanti par l’État (PGE) : qu’est-ce que c'est ?

Me David Smadja : Attention, il ne s’agit pas d’un prêt d’État mais bien d’un prêt bancaire,  cumulable avec d’autres aides. En cette période, les banques sont incitées à octroyer des crédits. 

La particularité de ce prêt, c’est cette garantie d’État. L'État garantit les prêts bancaires à hauteur de 90% pour les entreprises de moins de 100 000 salariés (et à hauteur de 70% à 80% pour les entreprises de plus de 100 000 salariés). 

Cette garantie d’État à hauteur de 90% est donc intéressante pour les banques qui s’assurent que l’État les couvrira en cas de défaut. Toutefois, demeurent ces 10% qui pèsent sur les banques, raison pour laquelle ces dernières doivent tout de même s’assurer de la solvabilité des entreprises qui en font la demande. En effet, sur ces 10% du PGE non couvert par l’État, la banque ne réclamer aucun garantie ou sûreté supplémentaire à l’emprunteur. 

 

Comment en faire la demande ? 

Me D.S : Pour en faire la demande, l’entrepreneur doit directement s’adresser à sa banque.

Celle-ci procède ensuite à des diligences et études de dossiers, notamment afin de vérifier la solvabilité du demandeur. En effet, bien que le risque soit réduit grâce à la garantie de l’État, il demeure à hauteur de 10%. 

Une fois l’accord de principe délivré par la banque, l’entrepreneur doit se procurer auprès de la BPI une attestation de garantie (également disponible en ligne) à transmettre auprès de sa banque afin d’obtenir la libération des fonds. 

Aujourd’hui 80 à 85% des PGE sont acceptés aux entreprises qui en font la demande. Mais ce n’est pas automatique. Pour en bénéficier, les entreprises doivent bien évidemment respecter l’esprit du dispositif, c’est-à-dire subir des difficultés économiques présentes ou futures (baisse d’activité, de chiffre d’affaires…). 

 

Que faire si mon dossier de PGE est refusé ? 

Me D.S : La banque peut en effet librement refuser d’octroyer un PGE. En cas de refus, il est possible de solliciter un médiateur auprès de la médiation du crédit

Ce dispositif public vient en aide aux entreprises en difficultés qui ne parviennent pas à obtenir de PGE. 

La demande se fait directement en ligne sur le site de la Banque de France

Un médiateur s’adresse à l’entrepreneur dans les 48h suivant sa demande, puis contacte la banque pour tenter d’établir un plan d’actions visant à obtenir l’acceptation d’un prêt au bénéfice de l’entreprise. 

 

Mon entreprise a un an d’existence. Elle a enregistré un niveau de capitaux propres insuffisant en 2019 mais se retrouve in boni en 2020. Pourtant la banque refuse le prêt, que faire ? 

Me D.S : Pour couvrir leurs risques, les banques ont besoin aujourd’hui à minima d’avoir des structures avec une cotation positive et comptabilisant 2 ou 3 années d’exercice. 

Si l’entreprise a moins d’un an et qu’elle enregistrait des difficultés l’année précédente, les banques auront tendance à refuser. 

Pour contourner ce refus, l’une des possibilités est de saisir le médiateur. Il va faire un état des lieux des finances de l’entreprise et voir si d’autres dispositifs s’offrent à l’entreprise : prêt Atout, subventions.. 

Une autre solution serait d’établir un plan de présentation auprès de la banque avec le soutien d’une aide complémentaire garantie à 100% (prêt rebond de la BPI, prêt Atout, prêts pour les sociétés innovantes etc.), ce qui permettrait à la banque de réduire un peu l’enveloppe du prêt.

 

Quels sont les documents demandés par les banques avant l’octroi d’un PGE ? 

Me D.S : Les banques peuvent demander les derniers bilans, liasses fiscales, afin de s’assurer de la situation financière de l’entreprise. 

Elle va généralement demander à l’entrepreneur d’expliquer précisément les raisons pour lesquelles le PGE est demandé. C’est dans ce cadre que le chef d’entreprise va devoir être très précis et vigilant. 

Il va falloir démontrer précisément que la société rencontre des difficultés financières avérées ou qu’elle risque d’en rencontrer à terme (défaut de paiement d’un certains nombre de clients par exemple). 

Il est essentiel de bien préparer cette étape au risque de se voir octroyer un refus de la part de la banque. 

 

Le fonds de solidarité : Quelles sont les caractéristiques de cette aide ? 

Me D.S : C’est l’aide d’État par excellence. Il s’agit d’une aide octroyée par l'Etat et donc entièrement défiscalisée : exonérée d’IS, d’IR et des contributions et cotisations sociales. 

Cette aide fonctionne en deux volets. 

  • Le premier volet : la Direction générale des finances publiques (DGFIP) octroie jusqu’à 1500 euros 
  • Le deuxième volet : aide complémentaire entre 2000 et 5000 euros déterminée par les régions. 

Chaque activité économique peut par nature obtenir ce fonds de solidarité à condition notamment d’avoir moins de 10 salariés : TPE, indépendants, micro entrepreneurs ou professions libérales. Le dispositif a été élargi aux agriculteurs membres de groupement ainsi qu’aux artistes et auteurs. 

De plus, mes structures en procédures collectives ne pouvaient pas bénéficier de cette aide. Un décret est apparu permettant aux sociétés, si elles ne sont pas en liquidation judiciaire avant le 1er mars, de bénéficier de ce fonds. 

 

Qui est concerné par cette aide ? 

Me D.S : L’objectif du fonds est d’aider les structures en grande difficultés. 

Sont éligibles au fonds de solidarité, les TPE, indépendants, micro entrepreneurs ou professions libérales. 

Le dispositif a été élargi aux agriculteurs membres d’un groupement agricole d’exploitation commun (GAEC) ainsi qu’aux artistes-auteurs. 

Les entreprises en procédures collectives peuvent également en bénéficier, à l’exception de celles qui se trouvaient en liquidation judiciaire avant le 1er mars 2020.

Ces entreprises doivent réunir plusieurs conditions afin d’en bénéficier et répondre aux critères suivants

  • un effectif inférieur ou égal à 10 salariés ;
  • un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros ;
  • un bénéfice annuel imposable inférieur à 60.000 euros augmenté des sommes versées aux dirigeants associés au titre de l'activité exercée  ; 
    • Pour les entreprises en nom propre ce montant de 60 000 euros est doublé si le conjoint du chef d’entreprise a une activité professionnelle dans l’entreprise ; 
    • Pour les sociétés, le montant est de 60 000 euros par associés et conjoint collaborateur ; 
  • avoir subi une interdiction d’accueil du public au sens de l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, en dépit de l’exercice d’une activité résiduelle (vente à emporter, livraison, retrait des commandes, « room service ») c'est à dire avoir fait l'objet d'une fermeture administrative ; 
  • soit avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50% au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019 ; 
  • soit avoir subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50% au mois d'avril 2020 par rapport au mois d'avril 2019.

A noter : Le dirigeant de l'entreprise ne doit pas avoir un contrat de travail à temps complet, il ne doit pas percevoir de pension de vieillesse, il ne doit pas avoir perçu d'indemnités journalières de sécurité sociale supérieures à 800 € en mars 2020 ou avril 2020.

 

Quelles sont les conditions d’éligibilité pour bénéficier du volet 1 du fonds de solidarité ? 

Me D.S : Le volet 1 du fonds de solidarité est versé par la DGFIP. 

Le montant de l’aide est de : 

  • 1500 euros si l’entreprise éligible a subi une perte de CA supérieure ou égale à 1500 euros ;
  • proportionnelle si le perte est inférieure à 1500 euros. Une subvention égale au montant de la perte de CA sera versée à l’entrepreneur. 

Sont concernées et éligibles au volet 1, les entreprises : 

  1. ayant subi une interdiction d’accueil du public entre le 1er avril et le 30 avril et ce même dans le cas où elles conservent une activité résiduelle de vente à emporter, livraison, retrait des commandes
  2. ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er avril 2020 et le 30 avril 2020 par rapport à :
    • la même période de l'année précédente (avril 2019) ;
    • ou, si elles le souhaitent, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019 ;
    • ou, pour les entreprises créées après le 1er avril 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;
    • ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019 ;
    • ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.

Le versement de cette aide a été renouvelée pour le mois d’avril. Pour en bénéficier, les demandes peuvent être déposées par voie dématérialisée avant le 31 mai.

 

Quelles sont les conditions d’éligibilité pour prétendre au volet 2 du fonds de solidarité ? 

Me D.S : Ce deuxième volet est plus restrictif. Il s’agit d’une aide complémentaire forfaitaire pouvant aller jusqu’à 5000 euros et octroyée par les Régions aux entreprises éligibles au premier volet. 

Pour en bénéficier, les entreprises doivent répondre aux critères suivants : 

  • l’entreprise doit avoir bénéficié du premier volet d’aide (au mois de mars ou d’avril) ;
  • l’entreprise doit avoir au moins un salarié au 1er mars 2020, en CDD ou en CDI ;
  • l’entreprise a subi un refus de prêt de trésorerie d’un montant raisonnable par sa banque ;
  • l’entreprise doit se trouver dans l’impossibilité de payer les dettes exigibles à 30 jours : elle doit justifier que le solde entre, d'une part, leur actif disponible et, d'autre part, leurs dettes exigibles dans les trente jours et le montant de leurs charges fixes, y compris les loyers commerciaux ou professionnels, dues au titre des mois de mars et avril 2020 est négatif.

Comment en faire la demande ? Depuis le 15 avril 2020, l’entreprise peut se rendre sur une plateforme ouverte par la région dans laquelle elle exerce son activité. 

L’entrepreneur devra joindre à sa demande les documents suivants : une description succincte de la situation de l’entreprise, un plan de trésorerie à 30 jours ainsi que les coordonnées de la banque lui ayant refusé la demande de prêt de trésorerie.

 

Mon entreprise a été créée récemment et n’a donc pas générée de chiffre d’affaires en 2019, suis-je éligible au fonds ? 

Me D.S : Pour rappel, les entreprises éligibles au fonds sont : 

  • soit concernées par une fermeture administrative ; 
  • soit ayant subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50% au mois d’avril 2020 par rapport au mois d’avril 2019. 

Cette aide vise clairement à compenser la perte de chiffre d’affaires. 

Donc si l’entreprise n’est pas visée par la fermeture administrative, elle doit avoir enregistré  une perte de chiffre d’affaires pour être éligible au fonds. 

Or, si l’entreprise n’enregistre pas de chiffre d’affaires en 2019, il n’y a pas techniquement pas de baisse de chiffre d’affaires. La structure ne pourra donc pas prétendre à cette aide.   

Cette condition est d’autant plus indispensable qu’elle sert à calculer le montant de cette aide. 

Il s’agit d’un dispositif allant jusqu’à 1500 euros. Mais si la perte est de chiffre d’affaires constatée est de 20% correspondant par exemple à 700 euros, l’entrepreneur percevra une aide de 700 euros. 

 

Les artisans, commerçants, indépendants, bénéficient-ils de mesures d’aides spécifiques ? 

Me D.S : En effet, le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) a mis en place une aide financière exceptionnelle à destination de tous les commerçants et les artisans en activité au 15 mars 2020 et qui ont été immatriculés avant le 1er janvier 2019.

L'aide correspond au montant des cotisations de retraite complémentaire versées par les artisans et les commerçants sur la base de leurs revenus de 2018 et pourra aller jusqu'à 1 250 €. L'aide sera versée automatiquement par l'Urssaf et ne nécessite aucune démarche de la part des indépendants. 

Cette aide exceptionnelle s'ajoute à l'ensemble des mesures prises en faveur des travailleurs indépendants par le Gouvernement depuis le début de la crise. Elle complète le dispositif massif de soutien à l'activité économique des artisans et des commerçants visant à maintenir leur activité et les aider à rebondir. 

L’ensemble des travailleurs indépendants peuvent notamment bénéficier des mesures complémentaires suivantes : 

  • Report du paiement des loyers, factures d’eau, de gaz et d’électricité pour les plus petites entreprises en difficulté ;
  • Remise d’impôts directs pour les entreprises les plus durement touchées ;
  • Remboursement accéléré des crédits d’IS et de crédit de TVA ;
  • Médiation du crédit pour le rééchelonnement des crédits bancaires ;
  • La possibilité de moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source.

2/ Comment gérer le paiement des loyers commerciaux en cours ? 

 

Il y a un décalage important entre les annonces faites au début de la crise et les mesures législatives prises à ce jour, ce qui a généré beaucoup de confusion. Est-ce qu’il s’agit de report ou d’annulation ?  

 

Que dit la loi aujourd’hui concernant le dispositif relatif au paiement des loyers ? 

Maître Baptiste Robelin : Pas grand chose en réalité. La question est aujourd’hui encadrée par l’Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19. 

Concrètement, cette ordonnance précise qu’aucune sanction ne pourra être prise en cas de non-paiement des loyers pendant la période d’état d’urgence sanitaire (aujourd’hui décalée au 10 juillet) et deux mois après (soit jusqu’au 10 septembre). 

Ainsi, durant cette période du 15 mars au 10 septembre, aucune sanction ne devrait pouvoir être prise en cas de non paiement des loyers. 

Ce dispositif est assez restrictif, il n’est ouvert qu’aux entreprises elles-mêmes éligibles au fonds de solidarité. 

Mais attention, ce dispositif est aussi trompeur. L’absence de sanction édictée par l’ordonnance signifie seulement qu’en cas de non paiement, le bailleur ne pourra pas invoquer d’intérêt de retard ou mettre en jeu la clause résolutoire (qui prévoit que le bailleur peut mettre fin au bail en cas de non respect de certaines obligations par le locataire).

En revanche, le bailleur bénéficie bien d’une action en paiement et peut demander le paiement du loyer judiciairement. 

Il n’y a pas de dispositif qui autorise à reporter ou annuler le paiement de ces loyers. 

En revanche, le Gouvernement ne cesse d’appeler les bailleurs à la solidarité et des leviers de négociation existent aujourd’hui. 

 

Est-il possible de faire valoir la force majeure pour éviter le paiement de son loyer ? 

Me B.R : Les tribunaux fermés, aujourd’hui aucune décision de justice n’a pu être rendue sur le sujet. Il est encore impossible de dire si le Covid-19 sera reconnu comme un cas de force majeure, c’est-à-dire s'il réuni les conditions d’imprévisibilité, extériorité et d'irrésistibilité

Une grande majorité de juristes s’accordent toutefois à dire que l'événement du Covid-19 est imprévisible et extérieur. 

Mais qu’en est-il du caractère irrésistible ? Lorsqu’on s’intéresse au paiement des loyers, la question est complexe. 

Une entreprise concernée par une fermeture administrative mais qui bénéficie de suffisamment de trésorerie devrait pouvoir assurer le paiement de son loyer. En effet, rien n'empêche l’entreprise, matériellement ou juridiquement, de s’acquitter du paiement.

De même une enseigne comme un supermarché continue de réaliser son chiffre d’affaires voire l’augmente chaque jour. Difficile dans ce cas de prétendre être dans l’incapacité de payer les loyers.

En revanche, il est clair qu’une entreprise ne disposant d’aucune trésorerie à raison de la fermeture administrative de son établissement a de sérieux arguments à invoquer pour s’opposer au règlement de son loyer au titre de la force majeure. Elle pourrait également faire valoir que le bailleur manque à son obligation de délivrance, en ne lui permettant pas de jouir du local nécessaire à son activité. 

Il existe donc une multitude de situations et de cas particuliers et l’issue dépendra des négociations que chaque commerçant aura réussi à mener avec son bailleur. 

 

Pourquoi les bailleurs ont intérêts à négocier avec leurs locataires ? 

Me B.R : Tout d’abord, un dispositif fiscal a été mis en place permettant aux bailleurs (locaux professionnels, locaux commerciaux) de bénéficier d’exonérations fiscales au titre des loyers qu’ils auront abandonnés. Ce dispositif permet donc de réduire l’impact du manque à gagner pour les bailleurs. 

Autre argument : aujourd’hui un bailleur qui n’accepte pas de trouver un terrain d’entente avec son locataire fait un calcul de courte vue. Il vaut mieux consentir des reports ou annulations lorsque l’on peut se le permettre et être certain de garder son locataire après la crise.

A l’inverse, un bailleur qui engage une action en paiement visant in fine à expulser son locataire entre dans un processus juridique lourd, sans certitude compte tenu de la situation actuelle, de trouver un repreneur. 

La crise actuelle additionnée aux derniers évènements (crise des gilets jaunes, réforme des retraites, etc.) et à l’essor du commerce en ligne (Amazon, etc.)  met à mal le secteur des commerçants et laisse craindre une grande vacance locative. Cette vacance locative va mécaniquement entraîner une baisse du montant des loyers. 

Selon nous, le bailleur a donc tout intérêt à aider son locataire à affronter cette crise afin de garder un niveau de valeur locative négocié avant la crise. 

 

Quelles sont les solutions pour les entreprises qui louent des bureaux et se retrouvent dans l'incapacité d’honorer le paiement de leur loyer ?

Me B.R : C’est de la négociation au cas par cas. L’entreprise peut invoquer la force majeure et son incapacité à payer son loyer pour des raisons de manque de trésorerie par exemple. Elle peut également tenter d’invoquer l’imprévision, prévue à l’article 1195 du Code civil, afin d’initier une négociation avec son bailleur, le cas échéant, en se plaçant sous la protection du tribunal. 

Toutefois, si l’entrepreneur ne paie pas et que le bailleur ne comprend pas les raisons invoquées et ne souhaite pas négocier, il pourra décider d’initier une procédure au terme de la crise et tenter de faire valoir la clause résolutoire éventuellement prévue au bail. 

 

Est-ce que les assurances multi-risques professionnelles peuvent prendre en charge les pertes d’exploitation liées à ce type de crise ? 

Me B.R : Cela dépend des clauses du contrat d’assurance. 

Toutefois, généralement la perte d'exploitation est couverte lorsqu’elle trouve sa source dans un dommage aux biens, suite à une tempête par exemple. 

Avec le Covid-19, il n’y a pas de dommage aux biens. Il va donc être délicat de faire jouer les assurances sur cette question. 

 

Dans le cadre d’une location en espace de coworking, est-il possible de demander le remboursement des sommes versées ? 

Me B.R : Aucun dispositif n’est prévu en ce sens. 

Dans ce contexte, les seuls leviers permettant de renégocier le contrat restent la force majeure ou l’imprévision, qui permet de tenter de renégocier le contrat lorsque que celui-ci a perdu son équilibre économique compte tenu d’un évènement imprévisible (Covid-19). 

 

3/ Les procédures collectives au secours des entreprises 

 

Me B.R : Vous avez sans doute déjà mis en oeuvre un certain nombre des dispositifs évoqués ci-dessus : demande de PGE, fonds de solidarité, etc. 

Toutefois, comment faire si ces aides ne suffisent pas ? Que faire si les difficultés s’accumulent notamment après la réouverture de votre commerce ? 

Dans ce contexte, il est probable qu’un certain nombre d’entreprises tombent en état de cessation des paiements, c’est-à-dire qu’en termes de trésorerie, l’actif disponible ne soit plus suffisant pour payer les dettes exigibles. 

En temps normal, l’entreprise en état de cessation des paiements doit obligatoirement déclarer cette situation auprès du tribunal de commerce dans un délai de 45 jours et s’ouvrent alors deux tristes possibilités :

  • le redressement judiciaire ou ; 
  • la liquidation judiciaire

Toutefois, dans ce contexte de crise, le Gouvernement a pris une ordonnance le 27 mars 2020 (n°2020-341) dite d’adaptation des procédures collectives dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 

Cette ordonnance dispose que « l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 », date qui correspond à la survenance de la crise. Cette date sera retenue jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date légale de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Si on en restait là, l’état d’urgence pourrait prendre fin le 10 juillet 2020. Le dispositif s’appliquerait ainsi du 12 mars 2020 au 10 octobre 2020.

Prenons un exemple : votre entreprise fonctionnait normalement avant le 12 mars, vous n’étiez pas en cessation des paiements. Mais suite aux difficultés liées à la crise, votre entreprise tombe en cessation des paiements entre le 12 mars et le 10 octobre 2020. Vous allez donc déclarer cette situation auprès du tribunal. 

Ce dernier va avoir l’obligation d’apprécier la situation financière de l’entreprise à la date du 12 mars. 

N’étant pas en état de cessation des paiements à cette date, l’entrepreneur va donc être éligible à des dispositifs particuliers habituellement réservés aux entreprises qui certes rencontrent des difficultés mais ne sont pas en cessation des paiements : la conciliation, ou encore la sauvegarde judiciaire par exemple.

La procédure de sauvegarde judiciaire en particulier peut selon nous apparaître comme une aide précieuse pour les entreprises en difficulté aujourd’hui.

En effet, dès le jugement d’ouverture d’une sauvegarde judiciaire, s’ouvre une période dite “d’observation” d’une durée légale de 6 mois (renouvelable deux fois sous conditions). Pendant cette période, les dettes antérieures au jugement d’ouverture vont être gelées (c’est-à-dire les dettes nées entre le 12 mars et la date d’ouverture du jugement dans notre exemple). Cela concerne toutes les dettes : locatives, sociales, fiscales, commerciales etc… Cela va donc offrir à l’entreprise un temps de répit, afin de lui permettre de reprendre son souffle. 

Ce répit profitera également aux cautions : ainsi, si le dirigeant est caution personnelle de certains engagements de son entreprise, il ne pourra pas être appelé pour les dettes accumulées en cette période, ce qui revêt là encore un intérêt majeur.

A l’issue de cette période d’observation, si vous apportez la preuve que votre entreprise est viable, le tribunal pourra octroyer un étalement de vos dettes antérieures sur une période allant jusqu’à 10 ans, en adoptant un plan de sauvegarde de l’entreprise. 

Ces avantages sont aussi ceux que pourraient procurer un redressement judiciaire.

Mais la sauvegarde judiciaire offre d’autres attraits : contrairement à un redressement judiciaire, le dirigeant conserve le contrôle de son entreprise. L’administrateur judiciaire, s’il est nommé (non obligatoire dans cette procédure) n’aura qu’un rôle de surveillance a posteriori des actes de gestion ; aucun rôle d’administration de la société. Le dirigeant reste donc maître de son entreprise et la procédure est moins lourde, et donc moins coûteuse qu’un redressement judiciaire.

Autre avantage de cette ordonnance : l’appréciation, de manière fictive, de la situation financière de l’entreprise au 12 mars 2020 en dépit des difficultés financières postérieures, éloigne le spectre des sanctions que pourrait normalement encourir le dirigeant personne physique, pour avoir tardé à déclarer l’état de cessation des paiements. 

 

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Relu par Clémence Bonnet

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