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Baux commerciaux : quel sort pour le pas de porte et dépôt de garantie ?

Pierre-Florian Dumez
Écrit par Pierre-Florian Dumez. Juriste de formation. Diplômé d’un Master II en droit économique
Relu par Sofia El Allaki.

Pour une entreprise, la conclusion et la signature d’un bail commercial représentent une étape et un élément important dans la construction de son projet sociétaire. Au delà de représenter un engagement à long terme, le bail commercial est notamment un des éléments constitutifs du fonds de commerce de l’entrepreneur.

Fruit de la relation entre le bailleur et le preneur, le bail commercial représente souvent, à tort, une formalité pour les parties. Or, sa conclusion, au-delà des considérations juridiques, commerciales et contractuelles, nécessite d’être le plus attentif possible aux clauses dudit contrat ainsi qu’à ses conditions d’application.

En effet, la matière fiscale, dans sa manière de vouloir appréhender tous les flux financiers, s’attache particulièrement à ceux inhérents à la conclusion d’un bail commercial entre le bailleur et le preneur, engendrant à cette occasion différents régimes fiscaux applicables pour les parties.

Pour être clair, la fiscalité pour les parties à un bail commercial dépendra d’une part des conditions d’exécution du contrat, mais également de la rédaction du contrat de bail commercial !

En conséquence, que vous soyez preneur ou bailleur, il est primordial de veiller aux conséquences fiscales attachées à la conclusion de votre bail. La légèreté des parties entraine parfois, pour ne pas dire souvent, de lourdes conséquences fiscales et financières qui pourraient être simplement évitées, ou atténuées.

Par ailleurs, il est important de comprendre que ces conséquences seront diamétralement opposées entre les parties ; Bailleur et preneur ne  « jouent pas dans la même catégorie ».

Il est patent que le régime fiscal général du bail commercial s’articule autour de l’assujettissement à l’impôt sur les bénéfices ET/OU à la TVA des différents versements et sommes perçues. Etant entendu que sont la plupart du temps concernés le traitement du dépôt de garantie ainsi que du pas de porte. 

Dès lors, quelle fiscalité le droit français réserve t il à ces versements ?

 

 

Baux commerciaux : les indemnités d'entrée

 

Lors de la conclusion d’un bail commercial, le preneur à généralement à sa charge le paiement de sommes au profit du bailleur, réunies sous l’appellation générale d’indemnités d’entrée.

Ces versements au profit du bailleur consistent soit :

  • En un pas de porte ;
  • En un dépôt de garantie.

 

Le paiement de ces sommes par le preneur est souvent justifié par le consentement de la propriété commerciale à son endroit par le bailleur. Elles devraient donc en théorie recevoir le même traitement fiscal. Or, il n’en n’est rien.

En effet, le droit fiscal n’est que très peu enclin à accepter la nature indemnitaire de ces indemnités d’entrée entrainant ainsi une fiscalisation de ces sommes.

Par ailleurs, le droit fiscal français établit une distinction majeure selon que le bailleur est commerçant ou un particulier.

 

Le pas de porte

 

Le droit fiscal définit le pas de porte comme une somme d’argent que le propriétaire d’un local industriel, commercial ou artisanal, exige du preneur en sus du loyer annuel. Le mode d’imposition de ce « pas-de-porte » dépend de sa nature, mais également qu’il s’agisse du bailleur ou du preneur.

 

La situation du bailleur

 

Le droit est flou quant à la nature même du pas de porte pour le bailleur, ce qui entraîne de nombreuses incertitudes notamment fiscales sur son traitement.

Concernant le donneur à bailleur, le régime fiscal dépendra surtout de savoir :

  • Si le versement de ces sommes sont constitutifs d’un supplément de loyer ;
  • Si le versement de ces sommes correspond à une dépréciation de l’immeuble donné à bail ;
  • Si le versement de ces sommes est effectué en contrepartie de l’exercice d’une prestation de services ;
  • Ou si ces sommes correspondent au prix de cession d’un élément d’actif.

 

Pas de porte constitutif d’un supplément de loyer

 

Lorsque le pas de porte constitue une contrepartie d’un avantage quelconque que le bailleur consent au preneur, il aura alors la nature d’un supplément de loyer, devant ainsi être imposé au même régime que ces versements. C’est donc une recette imposable.

Dès lors, les modalités d’imposition diffèrent selon que le bailleur est imposé à l’IR ou à L’IS.

Pour un bailleur personne physique ou une Société Civile Immobilière (SCI) dite translucide à l’IR, le pas de porte est alors intégralement imposé au titre des revenus fonciers (RF) perçus par le bailleur au cours de l’année de versement. Cependant, l'administration peut toutefois admettre, à titre gracieux, que lorsqu'il est destiné à compenser la modicité du loyer et participe, par conséquent, d'un supplément de loyer, il puisse être étalé sur toute la durée du bail.

Si le bailleur est une personne passible de l’impôt sur les sociétés ou une entreprise ayant une activité industrielle, artisanale ou commerciale, le pas de porte se rattache à une prestation continue et peut être étalée sur la durée du bail.

 

Pas de porte constitutif d’une dépréciation de l’immeuble donné à bail

 

Dans certains cas, le pas de porte peut ne pas être considéré comme étant un supplément de loyer et échapper à l’imposition sur les bénéfices, pour n’être considéré que comme une indemnité. Une telle exonération d’impôts sur les bénéfices par l’administration fiscale n’est possible qu’après qu’elle ait apprécié in concreto les conditions d’exercice effectif du bail en question. L’administration n’a pas à ce jour fourni de cas précis dans lesquels le pas de porte constituerait une indemnité et non pas un supplément de loyer. Cependant, les bailleurs peuvent se rassurer en prenant en considération certaines décisions intervenues sur le sujet.

Ainsi, dans le cas d’un engagement de non-concurrence du bailleur, la renonciation, par le bailleur, à toute faculté de résiliation du bail, sauf en cas de non-paiement des loyers, l’administration fiscale a pu considérer que ces situations engendraient une dépréciation patrimoniale pour le bailleur de telle sorte que le pas de porte versé en contrepartie ne saurait être constitutif d’un supplément de loyer.

 

Prix d’une prestation de services

 

La base d'imposition à la TVA des prestations de services, qu'il s'agisse d'une imposition de plein droit ou sur option, étant constituée par la valeur des biens ou services reçus en paiement, toutes les sommes exigées des preneurs de bail doivent, quelle que soit leur dénomination (droit d'entrée, pas-de-porte) être soumises à la TVA dès leur versement sous la double condition que :

  • le bailleur soit redevable de cette taxe ;
  • qu'elles participent d'un supplément de loyer.

 

Dans ces conditions, lorsqu'il participera d'un supplément de loyer et que les parties au contrat de bail auront opté pour l'assujettissement du loyer à la TVA, le pas-de-porte sera également soumis à cette taxe. En revanche, lorsqu'il revêtira une nature indemnitaire le pas-de-porte n'entrera pas dans l'assiette de la TVA.

 

Pas de porte constitutif du prix de cession d’un élément d’actif

 

Dans le cas d’un bailleur soumis à l’impôt sur les sociétés ou une entreprise ayant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, le droit fiscal admet qu’en présence d’un loyer dit normal, le pas de porte peut en réalité constituer le prix de vente d’un élément d’actif commercial. En conséquence, le pas de porte ainsi perçu serra assujetti au régime des plus values professionnelles.

En pareil cas, lorsque le bailleur sera une personne assujettie à l’impôt sur le revenu, le pas de porte sera alors soumis au régime des plus values professionnelles.

Dans le cas d’un bailleur soumis à l’IS ; le pas de porte sera donc une PV imposable selon les taux de droit commun.

 

La situation du preneur

 

La situation est, pour le locataire, beaucoup plus simple sans pour autant ne pas mériter d’attention. Pour lui, le pas de porte représente ainsi soit une charge déductible, soit représente le prix d’achat d’avantages commerciaux et dans une moindre mesure, peut revêtir un caractère mixte.

La distinction pour le preneur repose essentiellement sur le caractère normal ou anormal du loyer précisé dans le bail.

 

Paiement d’un pas de porte en présence d’un loyer anormalement bas

 

Si le montant du pas de porte, additionné au montant du loyer prévu dans le bail commercial, est inférieur ou égal à la valeur locative, alors ce pas de porte est considéré comme un supplément de loyer qui est alors déductible sur une période au moins égale à celle du bail commercial. Le droit d'entrée ou pas-de-porte versé au bailleur peut être assimilé à un supplément de loyer lorsque son montant, augmenté du loyer stipulé au bail, n'excède pas la valeur locative réelle de l'immeuble.

 

Paiement d’un pas de porte en présence d’un « loyer normal »

 

Lorsque le montant du loyer exprimé dans le bail est normal, eut égard à la valeur locative de l’immeuble, le preneur ne peut alors ni déduire ni amortir le montant du pas de porte versé. Cependant, il lui est possible de prendre en considérations ces versements dans le cas ou il viendrait à céder son droit au bail, en diminution de l’éventuelle plus value réalisée.

 

Le dépôt de garantie

 

En règle générale, pour ne pas dire tout le temps, le bailleur exige, car il en a la capacité, le versement d’une somme au titre du dépôt de garantie destinée à couvrir les éventuels manquements de la part du locataire.

La jurisprudence est claire, le dépôt de garantie ne constitue pas une recette rémunérant une prestation consentie par le bailleur, auquel cas, dès lors que celui-ci est une entreprise commerciale, le dépôt de garantie eût dû être soumis à la TVA, mais participe d'une garantie réelle prise par le bailleur sur le locataire. Pour ainsi dire, le principe est l’exonération du dépôt de garantie.

Cependant, il est des cas dans lesquels le dépôt de garantie peut sans encombre être soumis à la TVA. Du coté du bailleur, le dépôt de garantie, et conformément à la position jurisprudentielle, ne saurait être imposé comme du bénéfice en raison de sa nature, pour son simple dépôt chez le bailleur. Cependant, en cas de dépôt des sommes pour financer des réparations ou venir couvrir des charges, le dépôt de garantie se transforme et perd sa qualité d’épée de Damoclès pesant sur la tête du locataire, pour subir la même fiscalité que le versement ou la prestation.

Pour le locataire, les versements qu’il pourra réaliser dans le cadre de son bail commercial au titre du dépôt de garantie ne peuvent donner lieu à déduction immédiate.

 

Baux commerciaux : la question de la TVA

 

En principe et en application du principe fiscal du lien direct, les indemnités sont soumises à la TVA dès lors qu’elles constituent la contrepartie d’une prestation de service.

Dans le cas ou le dépôt de garantie est versé au bailleur en plus du loyer fixé au bail commercial, il ne saurait être assujetti à une quelconque TVA, car ne représente pas une contrepartie d’un service rendu par le bailleur, bien au contraire. Il convient d’en déduire qu’à contrario, dès lors qu’il existera un lien entre une prestation et le dépôt de garantie, ces sommes seront assujetties à la TVA.

Il est ainsi important pour les bailleurs comme pour les preneurs de comprendre que les conséquences fiscales de leur bail peuvent être anticipées et atténuées.

Cependant, les parties ont très souvent tendance à conclure sans se soucier des incidences fiscales des clauses contenues dans leurs baux.

Il convient alors à minima de se faire accompagner par un expert en droit commercial ou en droit fiscal afin de pouvoir veiller à la rédaction des différentes clauses du bail mais également de ne pas hésiter à requérir l’expérience d’un avocat quant à l’interprétation que pourra avoir l’administration fiscale des différents versements qui auront lieux au cours de la vie de ce contrat.

 

 

Juriste de formation, Pierre-Florian est diplômé d’un Master II en droit économique de l'Université d'Aix-Marseille. À la fin de ses études, il crée une start-up spécialisée dans la mise en conformité des entreprises au règlement général sur la protection des données (RGPD). Aujourd'hui, il est responsable contenu.
Relu par Sofia El Allaki. Diplômée en droit

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