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Contentieux : qu'est-ce que la prescription commerciale ?

Me Matthieu Chauveau
Écrit par Me Matthieu Chauveau. Avocat, spécialisé en droit des affaires
Relu par Clémence Bonnet.

La prescription est une notion juridique connue de tous, car elle existe dans toutes les matières du droit. Néanmoins, ses règles particulières et ses applications sont nombreuses et complexes.

Si vous êtes un commerçant, vous devez vous intéresser en particulier à la prescription commerciale, qui s’applique aux actes conclus dans le cadre de votre activité commerciale. En effet, en cas de litige, par exemple dans le cas où vous réclamez le paiement d’une créance, vous devez vous assurer qu’une éventuelle action en justice n’est pas prescrite. La prescription commerciale s’élève à 5 ans, mais présente de nombreuses subtilités.

Maître Matthieu Chauveau décrypte pour vous le sujet de la prescription commerciale.

 

 

La prescription commerciale : définition, évolution et régime

 

Définition de la prescription commerciale

 

La prescription est la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable.

Il existe des prescriptions extinctives et acquisitives.

La prescription extinctive a pour effet d’éteindre un droit ou une obligation. Par exemple, l’extinction du droit d’obtenir des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice correspond à une prescription extinctive. 

La prescription acquisitive quant à elle permet de revendiquer la propriété d’un bien au bout d’un certain temps. Par exemple, lorsqu’une personne se comporte comme le propriétaire d’un bien immobilier (appartement, maison etc.), pendant 30 ans, il lui est possible, à l’issue des 30 ans de revendiquer la propriété du bien immobilier. 

La prescription commerciale est une prescription extinctive, qui régit les obligations nées, à l’occasion de leur commerce, entre les commerçants ou entre un commerçant et un non-commerçant. Cette prescription s’applique notamment aux paiements d’une créance, c’est-à-dire que la prescription commerciale est la durée à l’issue de laquelle un commerçant ne peut plus exiger le paiement de sa créance.

NB : Il est fréquent de confondre prescription et forclusion. Ces notions sont très proches l’une de l’autre car elles caractérisent toutes les deux l’écoulement d’un délai qui aboutit à l’impossibilité d’agir en justice.
Toutefois, la prescription et la forclusion se différencient sur trois points principaux. D’une part, la prescription est générale (par exemple, la prescription de droit commun est de 5 ans), alors que la forclusion est prévue pour des actions spécifiques (par exemple, un créancier a un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture pour déclarer une créance due par une entreprise en redressement judiciaire).

D’autre part, la prescription ne peut être soulevée d’office par le juge, contrairement à la forclusion.
Enfin, la prescription peut être interrompue et suspendue tandis que la forclusion peut être interrompue mais ne peut être suspendue. 

 

Evolution de la prescription commerciale

 

La durée de la prescription commerciale a été réduite par la loi du 17 juin 2008.

Auparavant, la durée de la prescription commerciale était toujours inférieure à la prescription de droit commun pour deux raisons. D’une part, dans le commerce, l’exigence de sécurité juridique est plus importante pour éviter qu’une situation juridique (comme par exemple la revendication d’un paiement) dure trop longtemps, et d’autre part, cela évite aux commerçants de devoir conserver les preuves trop longtemps (comme les factures).

Ainsi, avant la loi du 17 juin 2008, la prescription commerciale était de dix ans tandis que la prescription de droit commun était de trente ans. Aujourd’hui, elles sont toutes les deux de cinq ans. 

 

Régime de la prescription commerciale

 

Comme vu précédemment, la prescription commerciale est de cinq ans. Il convient de s’intéresser à sa mise en œuvre.

Une des questions principales à se poser est celle du point de départ. A partir de quel moment faut-il compter les cinq ans du délai de prescription commerciale ? Comme en droit commun, le point de départ est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui auraient permis d’exercer l’action en justice.

Ainsi, par exemple, dans le cas d’un contrat de vente conclu avec un commerçant, le délai de prescription commerciale court à compter du jour où le prix est dû par l’acheteur. 

Il faut préciser que si l’acte a été dissimulé volontairement, le point de départ est le jour de sa révélation.

Il convient également de s’interroger sur la suspension et l’interruption de la prescription commerciale. Les règles sont celles du droit commun, à savoir : 

  • La prescription commerciale peut être interrompue, c’est notamment le cas lorsqu’une demande en justice est engagée. Dans le cas de l’interruption, un nouveau délai recommence à courir à compter de la date de l’acte interruptif. 
  • La prescription commerciale peut être suspendue, c’est notamment le cas lorsqu’une procédure de médiation ou de conciliation est ouverte par exemple. Dans le cas de la suspension, le délai est arrêté temporairement, sans effacer le délai déjà couru. 

 

Les règles particulières de prescription commerciale

 

Si la prescription en matière commerciale est en principe de 5 ans, il existe des exceptions : 

  • D’ordre conventionnel : cela signifie qu’il est possible de déroger à la règle de prescription commerciale par la conclusion d’un contrat. Cela suppose que les deux parties sont d’accord pour y déroger.
  • D’ordre légal : en matière commerciale, la loi prévoit des délais de prescription spéciaux, plus courts. C’est notamment le cas de la prescription en matière de transport routier, qui est de 3 ans.

 

Par ailleurs, en matière de sociétés commerciales, les actions en nullité de certains actes (modifiant les statuts, les délibérations ordinaires etc.) se prescrivent pas trois ans. La prescription en matière de fusion et de scission est quant à elle de six mois. Enfin, les actions en nullité en matière d’augmentation de capital se prescrivent par trois mois. 

Par ailleurs, il existe des délais de forclusion en matière commerciale, qui peuvent être particulièrement courts, comme par exemple, le délai de forclusion d’une déclaration de créance dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, vu précédemment. 


Comparatif de certaines règles de prescription 

 

Il existe de nombreux délais de prescription dans toutes les matières du droit, en voici quelques uns : 

 

Catégorie

Délai de prescription

Point de départ

Prescription en matière de droit de propriété Imprescriptible
Prescription en matière d’actions réelles immobilières 30 ans Le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer
Prescription de l’action en responsabilité du fait des produits défectueux

10 ans

La mise en circulation du produit

Prescription des actions personnelles ou mobilières (délai de prescription de droit commun)

5 ans 

Le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer

Prescription en matière de nullité d’un contrat pour vice du consentement

5 ans

Le jour où l’erreur ou le dol ont été découverts, ou en cas de violence, le jour où elle a cessé

Prescription commerciale (générale)

5 ans

Naissance de la créance

Prescription en matière de nullité en droit des sociétés

3 ans 

La date de l’acte ou de sa révélation en cas de dissimulation 

Prescription de l’action des professionnels pour les biens ou services fournis aux consommateurs

2 ans

La date de fourniture du bien ou du service

Prescription en matière de transport routier

1 an

Le jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée (en cas de perte totale) ou le jour où la marchandise est remise ou offerte au destinataire

 

En tant que commerçant, vous êtes soumis à la prescription commerciale, ce qui signifie que tous les actes conclus dans le cadre de votre activité commerciale sont soumis à la prescription de 5 ans, sauf cas particuliers. En cas de litige dans le cadre de votre activité commerciale, il est essentiel de se faire accompagner par un avocat pour déterminer quelles sont les règles de prescription qui s’appliquent, et si l’action en question est prescrite.

 

icon En résumé En résumé
  • La prescription est la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable. Elle peut être acquisitive ou extinctive.
  • La prescription commerciale est une prescription extinctive, qui régit les obligations nées, à l’occasion de leur commerce, entre les commerçants ou entre un commerçant et un non-commerçant.
  • La durée de la prescription commerciale est passée de 10 à 5 ans, suite à la loi du 17 juin 2008.
  • Le point de départ de la prescription commerciale est le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui auraient permis d’exercer l’action en justice.
  • Il existe des dérogations à la prescription commerciale d’ordre conventionnel et d’ordre légal.
  • Il existe également des délais de forclusion, à ne pas confondre avec la notion de prescription, en matière commerciale.
Historique des modifications :
Mise à jour du 29 mars 2024 : vérification des informations juridiques.

 

Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit des affaires et droit commercial, Me Matthieu Chauveau accompagne notamment les entreprises dans leurs aspects contentieux (rupture de relations commerciales, rupture de pourparlers, responsabilité des dirigeants, etc.).  Il a également développé une expertise dans les contentieux bancaires liés aux problématiques de TEG et de SWAP. Enfin, il assiste les entreprises dans leur création et les conseille dans les problématiques juridiques qu'elles peuvent rencontrer quotidiennement.

Relu par Clémence Bonnet. Diplômée de l'École des Avocats
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