Qu’il soit associé minoritaire, majoritaire, ou non associé, le gérant d’une SARL peut être librement révoqué par les associés de la société, quand ils le veulent. Cette liberté reste cependant très encadrée, pour éviter les abus. Jugée abusive, une révocation peut entrainer le versement de dommages et intérêts au gérant, pour préjudices subis. Ainsi, n'hésitez pas à vous faire accompagner par un avocat spécialisé en droit des sociétés.
La révocation abusive du gérant d’une SARL
Le principe de libre révocation
La révocation du gérant d’une SARL est toujours possible, mais reste complexe à mettre en place. En principe libre, la révocation est contrôlée : Les conditions et les limites dépendent du statut du gérant de la SARL, c’est -à-dire s’il est associé majoritaire, minoritaire, égalitaire ou non associé. La procédure n’est également pas la même, et les spécificités doivent être respectées.
A noter : dans la mesure où la révocation est par principe libre, on ne peut lui opposer des clauses spécifiques dans les statuts qui pourraient restreindre cette liberté. Par exemple, si une clause statutaire peut prévoir l’indemnité versée au gérant en cas de révocation, elle ne peut prévoir un taux d’indemnité qui constituerait lui-même un obstacle à la révocation.
La révocation sur juste motif
La révocation du gérant doit être décidée et prononcée par assemblée générale ou par demande auprès d’un juge. Celle-ci doit reposer sur un juste motif, soit une raison « valable » à la révocation : faute de gestion, agissement contraire aux intérêts de la société, atteinte à son bon fonctionnement…
Le juste motif ou « cause légitime » n’a pas obligation à être fourni en tant que tel, mais s’il n’est pas fourni, le gérant peut se retourner en justice contre la décision de la société, et demander des dommages et intérêts. Ces derniers peuvent être également réclamés, lorsque les motifs avancés ne paraissent pas juste au gérant : les tribunaux détermineront s’il s’agit ou non d’un juste motif.
La révocation abusive
La révocation abusive est indépendante de son motif. Elle est abusive si la décision a été prise dans certaines circonstances.
On considère comme abusive :
- Une révocation qui a eu lieu dans des circonstances qui portent atteinte à la réputation ou à l’honneur du gérant
- Une révocation décidée brutalement, trop rapidement, dans le non-respect du principe du contradictoire
Une révocation est considérée comme abusive dès lors que ses circonstances sont vexatoires ou injurieuses envers la personne du dirigeant, et peuvent porter atteinte à son honneur comme à sa réputation. Par exemple, une révocation pour juste motif peut être considérée comme vexatoire, si le procès-verbal faisant état de la décision et du motif de la révocation est rendu public auprès des salariés de l’entreprise, ou dans le Registre du commerce. Le motif peut être une faute, un manquement : si celui-ci est rendu public, il peut porter atteinte à l’honneur du gérant. Celui-ci est alors en droit de dénoncer une révocation abusive, même si la cause de la révocation est justifiée. De même, si la révocation est accompagnée d’injures, de dénigrement ou de critiques dépassant les simples faits, elle est considérée comme abusive.
Une révocation est considérée comme abusive dès lors qu’elle a été décidée trop rapidement pour pouvoir laisser le gérant se défendre : c’est un cas de non-respect du principe de contradictoire. La procédure doit permettre au gérant de donner des explications, d’apporter des preuves, d’opposer des arguments. Pour être pleinement respecté, le principe suppose :
- Que le gérant soit au courant de ce qui lui est reproché, avant que la décision de révocation ne soit prise
- Qu’il soit mis en demeure de présenter sa défense devant l’assemblée
- Que son remplaçant n’ait pas encore été désigné
Par exemple, une procédure de révocation se tenant pendant une période d’absence – arrêt maladie, congé maternité… - du gérant rendrait la révocation abusive.
Dans ces deux cas, le gérant peut alors demander une indemnisation. Conformément au principe de la libre révocation, le gérant ne pourra demander une réintégration au sein de la société, même si la révocation est jugée comme abusive.
L’indemnisation: Quels dommages et intérêts?
Les dommages et intérêts sont destinés à compenser le préjudice subi par le gérant. En principe, ils doivent être versés par la société. Si le préjudice vient d’un ou de plusieurs associés, la responsabilité personnelle est engagée, ces derniers doivent payer l’indemnisation.
Les dommages et intérêts sont calculés en fonction du préjudice subi, par le juge au moment du jugement, au cas par cas. Ils peuvent également être prévus par les statuts : le juge peut décider de réviser ces derniers en fonction de la situation.
Comme les indemnités de licenciement, les dommages et intérêts et indemnité de révocation – abusive ou non- sont fiscalement exonérés, et dans les mêmes limites. Ainsi, les indemnités de révocation des mandataires sociaux sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de trois fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale.
Pour éviter de voir sa décision de révocation qualifiée d’abusive, comme la révocation sans juste motifs, il convient de respecter scrupuleusement la procédure, les modalités et les conventions statutaires.