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Télétravail : l’employeur doit-il verser des indemnités à ses salariés ? 

Me Aurélie Moine
Me Aurélie Moine Avocate, spécialisée en droit du travail et des sociétés Relu par Clémence Bonnet, Diplômée de l'École des Avocats

Grèves des transports, manifestation des gilets jaunes, crise sanitaire, sont autant d’évènements qui ont, d’une certaine manière, contraint les entreprises à recourir au télétravail

Selon l’INSEE, en 2017, 3% seulement des salariés déclaraient pratiquer le télétravail au moins un jour par semaine. Ils sont 34% en 2020. 

Avec cette généralisation d’un télétravail de longue durée, nombreux sont les dirigeants à s'interroger sur l’organisation de cette pratique, leurs obligations mais aussi sur la prise en charge ou non des frais du télétravailleur. 

 

 

Pratique du télétravail : que dit la loi ? 

 

Le télétravail est décrit par le Code du travail comme une forme d’organisation dans laquelle la mission, qui aurait pu être réalisée par le salarié au sein des locaux de la société, est en réalité exercée : 

  • volontairement ; 
  • en dehors des locaux ; 
  • en utilisant les technologies de l’information et de la communication. 

La pratique du télétravail repose sur la base du volontariat. Cela signifie que le salarié ne peut en principe pas imposer à son employeur la pratique du télétravail. L’employeur est libre de refuser, à condition toutefois de motiver son refus (si par exemple le salarié ne dispose pas de réseau internet chez lui, ou encore que la nature de l’activité implique la manipulation de données sensibles et confidentielles, rendant l’exercice de la tâche impossible hors des locaux sécurisés de l’entreprise…). 

A l’inverse, l’employeur ne peut pas en principe imposer le télétravail à ces salariés. 

Ceci toutefois à une exception près : en cas de force majeure ou situation exceptionnelle

Ce fut le cas depuis mars 2020 et la mise en place du premier confinement imposé par le Gouvernement dans le cadre du premier protocole sanitaire. Depuis cette date, le Gouvernement rappelle régulièrement en fonction de l’évolution de l’état sanitaire que le télétravail, lorsqu’il est possible, demeure la règle. 

Il s’agit dans ce cas d'un simple aménagement des conditions de travail n’imposant pas de modification du contrat de travail. 

Depuis les ordonnances de la loi sur le renforcement du dialogue social de 2017, il n’est plus nécessaire de procéder à une modification du contrat de travail pour exercer en télétravail. 

Le télétravail peut être mis en place de 3 manières différentes au sein de l’entreprise : 

  • par le biais d’un accord collectif
  • par le biais d’une charte rédigée par l’employeur
  • ou encore par simple accord entre employeur et salarié formalisé par tout moyen (mail, accord oral…). 

Dès lors que le télétravail devient régulier, il est toutefois fortement recommandé d’avoir recours à un accord collectif ou une charte pour en préciser les contours : les conditions de passage en télétravail à l’exécution classique sans télétravail, les modalités de contrôle du temps de travail, la mise en place des horaires durant lesquelles l’employeur est autorisé à contacter son salarié en télétravail…  

La loi de 2017 a considérablement simplifié et démocratisé la pratique du télétravail. Elle est également venue préciser un certain nombre de règles sur cette organisation de travail, notamment les obligations de l’employeur et la prise en charge des frais. 

 

L’employeur est-il tenu de prendre en charge les frais du télétravailleur ? 

 

Une loi muette et des sources contradictoires  

L’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 repris dans la loi de 2012 sur la simplification du droit des entreprises prévoit que “l'employeur est tenu à l'égard du salarié en télétravail de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci”.

A noter : cet accord ne trouve plus à s’appliquer si l’entreprise est soumise à un accord collectif qui écarte cette prise en charge de frais. 

La jurisprudence a suivi cette tendance en admettant que les frais professionnels avancés par le salarié dans le cadre de son activité lui soient remboursés par l’employeur. "Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire" (Cass, chambre sociale, 25 mars 2010 n°08-43.156). 

Le Code du travail était donc venu entériner ce point grâce son article L.1221-10 alinéa 1, inspiré de cet accord interprofessionnel, qui imposait à l’employeur “de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci”. 

Mais cet article a été supprimé par l’ordonnance du 22 septembre 2017. Ainsi, aucune disposition légale impose à l’employeur une quelconque prise en charge de frais

Les modalités de prise en charge des frais doivent donc en principe être prévues au sein des accords collectifs et des chartes encadrant la pratique du télétravail.

L’article L.4122-2 du Code du travail peut également être cité, laissant penser que les frais ne doivent pas être supportés par le salarié lorsque le télétravail est imposé suite notamment à des circonstances exceptionnelles comme une crise sanitaire. Cet article précise que “les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs”.

Il pourrait en effet s’avérer injuste de faire supporter les frais d’exercice du télétravail au salarié, notamment lorsque cette pratique est imposée par l’employeur. 

Cependant, ces contradictions et ce vide législatif ne signifient pas que l’employeur est entièrement déchargé de cette obligation. 

Bien que le Gouvernement rappelle que, sauf charte ou accord collectif, l’employeur n’est pas tenu de supporter ces frais, il n’en demeure pas moins que dans le contexte actuel, il est recommandé aux entreprises de s’adapter et de prendre en charge les frais de leurs salariés en télétravail. C’est notamment ce que rappelle le dernier Ani en date du 24 novembre 2020 : le principe de prise en charge des frais par l’employeur doit s’appliquer à "l'ensemble des situations de travail”.

 

Quels sont les frais supportés par l’employeur ? 

Le télétravail va nécessairement engendrer des frais supplémentaires pour le salarié : achat et équipement en fourniture et matériel informatique, consommation de chauffage, électricité, internet…

Au même titre que si le salarié avait engagé des frais lors de son activité professionnelle au sein des locaux de l’entreprise, l’employeur est tenu de le rembourser lorsque son salarié agit dans le cadre de son activité en télétravail. 

Pourront faire l’objet de remboursement

  • les frais fixes et variables liés à l’utilisation d’un local d’habitation : loyer, taxe d’habitation, électricité, chauffage… 
  • les fournitures : papier et cartouches d’imprimantes, second écran…
  • les frais liés à la télécommunication : internet, téléphone…

Ainsi, si le salarié est amené à acheter un ordinateur, une imprimante, des cartouches d’encre afin d’exercer son activité en télétravail, l’employeur sera tenu de lui rembourser ces frais sur présentation d’un justificatif

La situation se complique un peu s’il s’agit d’un abonnement Internet ou téléphone. Si le salarié dispose d’un forfait illimité, la note finale sera la même peu importe son niveau de consommation. Difficile alors d’attribuer une part aux frais de l’employeur.  

N’hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel en cas de doute. 

Mais concrètement, quelle forme prend ce remboursement ? Comment évaluer ces frais ? 

 

Frais réels ou forfait : quelle forme prend le remboursement ? 

 

Les frais engagés par le salarié dans le cadre de son activité professionnelle pourront donc en principe lui être remboursés. Ce remboursement pourra s’effectuer sur la base de frais réels (sur présentation de justificatifs) ou sur la base d’un forfait (déterminé par l’URSSAF). 

L’URSSAF a communiqué des montants forfaitaires par salarié en fonction de leur temps télétravaillé : 

  • 10 euros par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine ;
  • 20 euros par mois pour un salarié effectuant deux journées de télétravail par semaine ;
  • 30 euros par mois pour un salarié effectuant trois journées de télétravail par semaine ;
  • etc. 

Ces allocations forfaitaires sont exonérées automatiquement de cotisations sociales. 

Lorsque les frais engagés par le salarié sont supérieurs à ces montant forfaitaires, l’employeur devra rembourser son salarié à hauteur des frais réels engagés sous présentation de justificatifs. Cette allocation sera exonérée de cotisations et charges sociales à condition qu’un justificatif soit associé à la demande de remboursement. 

En temps normal, l’allocation forfaitaire peut également prendre la forme d’une indemnité d’occupation de domicile pour le salarié en télétravail chez lui. C’est le cas lorsque le salarié est placé en télétravail à la demande de l’employeur et qu’aucun local professionnel n’est mis à sa disposition. 

En revanche, dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, les employeurs disposent en règle générale de bureaux, de locaux, et sont incités voire forcés par le Gouvernement à mettre leurs salariés en télétravail. Il ne s’agit donc pas d’une volonté de l’employeur à proprement parler, employeur qui en prime dispose de locaux pour accueillir son personnel. Il semblerait donc que l’employeur ne soit pas soumis à verser cette allocation supplémentaire au profit de ses salariés en télétravail à domicile.

 

Quels avantages conservent le télétravailleur ? 

 

La mise au télétravail des salariés ne doit pas pour autant supprimer des avantages acquis dans l’exercice de leurs fonctions en présentiel. 

Que le salarié exerce son activité dans les locaux ou à l’extérieur, ses droits restent les mêmes. 

Ainsi, si le salarié bénéficie de tickets restaurants, il conserve ce droit même en télétravail. 

La question a fait davantage l’objet de débats pour les frais de transport. En principe, la prise en charge des frais de transport s’applique pour l’employeur même si son salarié exerce quelques jours par semaine en télétravail. L’employeur est tenu à hauteur de 50% des frais de transports sans abattement des jours télétravaillés. Mais la question s’est posée dans le cadre d’un télétravail en continu comme ce fut le cas en période de confinement. L’employeur ne serait pas tenu de prendre en charge les frais de transport pour les salariés en télétravail en continu n’effectuant aucun trajet en transport en commun sur la période d’abonnement. 

Le Gouvernement a toutefois invité les entreprises à poursuivre le remboursement de ces frais notamment pour les abonnements annuels ou lorsque le salarié n’a pas été en mesure de suspendre son abonnement. 

Vous l’aurez compris, il n’est pas simple d’évaluer clairement les obligations de chacun. La démocratisation du télétravail fait naître de nombreuses questions et problématiques jusque là inconnues. Nombreuses sont les décisions qui dépendent encore de discussions et dialogues entre syndicats et partenaires sociaux.

Le cadre législatif de cette nouvelle forme d’organisation du travail est à construire. 

C’est la raison pour laquelle il est fortement recommandé de vous faire accompagner par des avocats spécialisés en droit social. Ils pourront vous conseiller, vous guider et interpréter pour vous les jurisprudences.  

 

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Me Aurélie Moine
Je suis spécialisée en droit du travail et conseille les sociétés, en particulier, les TPE-PME et start-up,  dans la gestion de leurs problématiques RH (négociation et rédaction de contrats de travail, télétravail, mise en place de CSE, audit social, actionnariat salarié, harcèlement, discrimination, statut et rémunération des dirigeants, mobilité internationale, médiation, gestion des ruptures des contrats de travail). 
Relu par Clémence Bonnet

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