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Déspécialisation de bail commercial : quel est le mode d'emploi ?

Me Baptiste Robelin
Me Baptiste Robelin Avocat, spécialisé en droit des affaires Relu par Clémence Bonnet, Diplômée de droit

Un bail commercial est un contrat de location de locaux utilisés pour l’exploitation d’un fonds industriel, commercial et artisanal. 

Généralement, la nature de l’activité exploitée par le locataire est précisée dans le contrat de location, il s’agit de la “destination du bail”. Dès lors, le locataire qui souhaite changer ou étendre son activité, ne peut, en principe,  le faire sans l’accord de son bailleur. 

Toutefois, en cas de refus du bailleur, le locataire dispose d’une procédure dite de déspécialisation du bail commercial. Celle-ci peut être plénière ou partielle. Le locataire dispose alors de la possibilité d’étendre son activité à d’autres domaines, non spécifiés initialement dans le bail. 

Maître Baptiste Robelin, avocat spécialisé dans le domaine des baux commerciaux, décrypte pour vous la procédure de déspécialisation du bail commercial.

 

 

 

Qu'est-ce que la procédure de déspécialisation ?

 

Pour rappel, le locataire d’un bail commercial n’est en principe pas autorisé à changer son activité pour une autre, sans l’accord de son bailleur. 

Toutefois, pour éviter des situations de blocages et permettre au locataire de développer plus facilement son activité, le Code de commerce prévoit la possibilité pour le locataire d’étendre ses activités (activité connexe ou complémentaire de son activité principale) ou de changer totalement d’activité sans l’accord du bailleur en engageant une procédure dite de déspécialisation. 

Une clause de destination du bail est généralement présente dans le contrat de bail et mentionne le type d’activité autorisé. Cette clause a en général été négociée par les parties au regard de l’activité du locataire ou tout simplement au vu des possibilités d’agencement du local en question (possibilité d’installer une chambre froide pour les activités de restauration par exemple). 

Cependant, il convient de distinguer la présence ou non cette clause de destination dans le contrat de bail. 

Lorsque le contrat contient une clause fixant la nature de l’activité pouvant être exercée dans les lieux, le locataire doit s’y conformer A défaut, le bailleur pourra demander la résiliation judiciaire du bail commercial. Si le locataire souhaite modifier son activité, il devra obtenir l’accord du bailleur. Ce n’est qu’en cas de refus de ce dernier, que le locataire pourra recourir à la procédure de déspécialisation. 

En revanche, si le contrat contient une clause dite “tous commerces", cela signifie que le locataire peut exercer n’importe quelle activité au sein du local. S’il souhaite étendre, modifier partiellement ou totalement son activité, il n’aura pas besoin d’obtenir l’accord du bailleur pour se faire, ni passer par la procédure de déspécialisation en cas de refus. C’est une clause très avantageuse pour le locataire, propriétaire du fonds de commerce, qui profite d’une grande liberté d’exploitation, et qui pourra revendre facilement son fonds de commerce à l’acquéreur intéressé, peu importe l’activité qu’il souhaite exercer. 

Bon à savoir : cette clause dite “tous commerces” est généralement soumises à quelques limites, à commencer par le respect du règlement de copropriété dont dépend le local. Le renouvellement et la cession du bail contenant cette clause sont également soumis à condition.

 

 

 

Qu'est-ce que la déspécialisation plénière ? 

 

Déspécialisation plénière : quelles conditions ? 

 

La déspécialisation plénière est régie par les articles L145-48 et suivants du Code de commerce. 

On parle de déspécialisation plénière lorsque le locataire du bail souhaite changer totalement d’activité ou adjoindre à son activité initiale une activité sans caractère connexe ou complémentaire

Deux conditions cumulatives doivent être réunies pour justifier une déspécialisation plénière : 

  • une condition économique : un changement de “conjoncture économique” (comme une crise affectant l’ensemble de la branche d’activité du locataire) et une “organisation rationnelle de la distribution”(c’est-à-dire, substituer à un commerce qui n’est plus rentable, une activité nouvelle correspondant aux besoins de la clientèle et au regard des autres commerces existants ) ; 
  • une condition matérielle : la nouvelle activité doit être compatible avec le caractère, la destination et la situation de l’immeuble.

 

La procédure de déspécialisation plénière 

 

Le locataire doit avant tout demander une autorisation au bailleur par acte d’huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception, et lui présenter les caractéristiques de la nouvelle activité envisagée. 

Le bailleur devra en informer les éventuels autres locataires bénéficiant d’une clause d’exclusivité. 

Cette demande doit également être portée à la connaissance des créanciers inscrits sur le fonds de commerce. C’est à cette occasion qu’ils pourront exiger d’éventuels garanties supplémentaires. 

Le bailleur dispose d’un délai de 3 mois pour notifier sa réponse : acceptation, refus ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord. Passé ce délai, son silence vaut acceptation, mais il conserve la possibilité de réclamer le paiement d’une indemnité ou une augmentation de loyer. 

Les juges apprécieront au cas par cas si les conditions pour autoriser une déspécialisation plénière sont réunies. 

Toutefois, le bailleur garde la possibilité d’invoquer un motif grave et légitime (comme des fautes commises par le locataire) pour justifier son refus de déspécialisation plénière.  

Le bailleur pourra également justifier son refus en faisant valoir sa volonté de reprendre les locaux à l'expiration de la période triennale.

 

Les conséquences de la déspécialisation plénière

 

Aucun délai n’est imposé au locataire à l’issue duquel il doit obligatoirement exercer sa nouvelle activité. Qu’en bien même le contrat de bail contient une clause de résiliation de plein droit pour cessation d'activité, un délai raisonnable doit être laissé au locataire qui aurait besoin de réaliser des travaux nécessaires à l’exercice de sa nouvelle activité et de fait devait temporairement mettre son activité à l’arrêt. Cet arrêt ne doit toutefois pas dépasser les 6 mois à compter de l’accord du bailleur sur la déspécialisation ou la décision des juges l’y autorisant (L145-42 du Code de commerce). 

Le bailleur, quant à lui, peut demander une modification du loyer au moment du changement d’activité. Il pourra également demander le versement d’une indemnité de “déspécialisation” visant à compenser d’éventuels préjudices comme l’accroissement de nouvelles charges par exemple. 

 

Qu'est-ce que la déspécialisation partielle ou restreinte ? 

 

Qu'est-ce qu'une activité connexe ou complémentaire ? 

 

La déspécialisation partielle est régie par l’article L145-47 du Code de commerce. Concrètement, la procédure de déspécialisation partielle, permet au locataire d’adjoindre à son activité actuelle, une activité connexe en rapport étroit avec l’activité qu’il exerce, ou une activité complémentaire nécessaire au développement de son activité principale. 

Cependant, l’article L145-47 ne donne aucune définition ou de moyen pour caractériser une activité connexe ou complémentaire. 

En pratique, l’activité sera considérée comme connexe ou complémentaire dès lors qu’elle n’impose pas de grands travaux de modification au sein du local. 

Les juges qualifient au cas par cas l’appréciation du caractère connexe ou complémentaire de l’activité. 

Ont ainsi été considérées comme connexes ou complémentaires à l’activité principale, le fait pour un garage de proposer un service de location de voiture ou encore pour un coiffeur de proposer à la vente des produits de beautés ou des parfums.  

Parallèlement, la jurisprudence a développé le concept d’”activités incluses”.  Il s’agit d’activités qui bien que non mentionnées dans le bail, découlent assez naturellement de l’activité initiale et de son évolution. Une activité incluse est admise sans l’accord du bailleur et sans avoir à engager de procédure de déspécialisation. 

Mais encore une fois, il n’existe aucune définition pour qualifier une activité dite incluse et, l’appréciation des juges se fait au cas par cas. Il y a donc un risque pour le locataire que le juge rejette la qualification d’activité incluse au profit d’une activité connexe ou complémentaire qui nécessite quant à elle l’engagement d’une procédure de déspécialisation. 

Ont été par exemple considérées comme incluses, l’activité de réparation de bicyclettes pour un local de vente de bicyclettes, la tenue d’un bureau de PMU au sein d’un café bar… 

 

La procédure de déspécialisation partielle ou restreinte 

 

Avant toute chose, le locataire doit informer le bailleur de la nouvelle activité envisagée par acte d’huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception. A défaut, le bailleur pourra résilier ou refuser le renouvellement du bail commercial, sans indemnité d’éviction.

Le bailleur dispose de deux mois pour répondre positivement ou refuser l’exercice de cette nouvelle activité. Au-delà, son silence vaut acceptation et le locataire pourra exercer son activité connexe ou complémentaire. 

Si le bailleur conteste le caractère connexe ou complémentaire de l’activité, la partie la plus diligente porte l’affaire devant le tribunal judiciaire du ressort du lieu de situation du fonds de commerce. 

Ce sont alors les juges qui apprécieront au cas par cas si la nouvelle activité est bel et bien connexe ou complémentaire à l’activité initiale.

 

Les conséquences de la déspécialisation partielle ou restreinte

 

La déspécialisation partielle ou restreinte a des conséquences sur le loyer du local et sur les droits des tiers

En effet, de nouvelles activités entraînent une modification de la valeur du local.

Toutefois, la déspécialisation partielle n’a pas de conséquence immédiate sur le loyer. Le bailleur pourra solliciter une augmentation lors de la révision triennale du bail commercial. 

Enfin, la déspécialisation est d’ordre public. En conséquence, les clauses de non-concurrence ou les clauses d’exclusivité négociées initialement entre le bailleur et les autres locataires de l’immeuble ne peuvent faire obstacle à l’exercice de la procédure de déspécialisation. 

Le bailleur ne pourra s’opposer à la déspécialisation en invoquant ces clauses.

 

Déspécialisation partielle et déspécialisation plénière : les règles communes 

 

Certaines règles sont communes aux deux procédures de déspécialisation : plénière ou partielle. 

A commencer par une compétence partagée entre le tribunal judiciaire et les juges des loyers. Ce dernier reste seul compétent pour statuer sur les différends liés au montant des loyers. 

De même, l’article L145-55 du Code de commerce prévoit la possibilité pour le locataire ayant formulé une demande de déspécialisation d’y renoncer à tout moment et jusqu’à un délai de 15 jours à compter de la décision rendue par les juges ou le bailleur. Il s’agit du droit de repentir. 

Enfin, comme précisé plus haut, la clause de résiliation de plein droit pour cessation d’activité présente dans le contrat de bail commercial, ne produit aucun effet pendant la durée de réalisation des travaux nécessaires au locataire pour mettre en place sa nouvelle activité. Ce délai d’arrêt d’activité ne doit toutefois pas dépasser les 6 mois

Ainsi, pendant la durée de réalisation des travaux des locaux, le bailleur ne pourra pas faire valoir la clause de résiliation du bail pour cessation d’activité.

 

La cession de déspécialisation du bail commercial 

 

En cas de départ à la retraite ou d’invalidité, le locataire peut céder son bail en procédant à un changement d’activité qui sera exercée par son successeur. Comme pour la déspécialisation partielle ou plénière, la nouvelle activité envisagée doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble.

Le locataire doit informer, par acte d’huissier, son bailleur de son intention de céder le bail. Il doit préciser la nature de la future activité ainsi que le prix de la cession.

Le bailleur dispose ensuite de deux mois pour faire connaître sa position, l’absence de réponse valant acceptation. Le propriétaire peut :

  • accepter la cession du bail avec la nouvelle activité ;
  • racheter le bail ;
  • contester le changement d’activité en saisissant le tribunal de grande instance. À noter que durant cette période, le locataire a pour obligation de continuer à exploiter le local loué. À défaut, le propriétaire peut demander la résiliation du bail aux torts du locataire.

 

Vous envisagez un changement partiel ou total d’activité au sein de vos locaux commerciaux ? Ou en tant que bailleur, vous vous opposez à la demande déspécialisation de votre locataire ? 

Ces situations peuvent s’avérer complexes. C’est la raison pour laquelle il est recommandé d’être accompagné par des professionnels. En tant que spécialiste des baux commerciaux, je saurais vous accompagner dans vos démarches, répondre à vos questions et vous conseiller. 

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Je suis spécialisé en droit des affaires, droit immobilier commercial et droit des nouvelles technologies. J’accompagne et conseille de nombreuses sociétés, PME et grand comptes, ainsi que des commerçants dans le cadre de la cession de leurs actifs (cession de fonds de commerce et cession de droit au bail). Je travaille indifféremment en français et en anglais.

Relu par Clémence Bonnet

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