Vous avez certainement déjà entendu parler de la technologie blockchain, qui permet de stocker et de transmettre des informations sécurisées, mais aussi de réaliser des transactions numériques. C’est sur cette technologie nouvelle que se basent les cryptomonnaies. Mais la blockchain est loin de se résumer au seul Bitcoin ! En effet, elle est également utilisée pour créer des smart contrats (contrats intelligents en français), dont le potentiel reste encore inexploré.
De quoi s’agit-il exactement ? Quel est l’intérêt pour les entrepreneurs de recourir à ce nouvel outil ?
Me Amélie Robine, avocate spécialisée en droit des affaires, vous explique dans cet article ce que sont les smart contracts.
Au sommaire :
Qu’est-ce qu’un smart contract ?
Avant de donner une définition du smart contract, il convient de replacer ce programme informatique dans son contexte plus large, à savoir la blockchain.
La blockchain est une technologie qui permet de stocker et de transmettre des informations de manière sécurisée et sans organe central de contrôle. Il est ainsi possible de réaliser des transactions numériques sans intermédiaire, tandis que le réseau blockchain garde celles-ci en mémoire pour en assurer la sécurité.
Elle peut être utilisée pour transférer et tracer des actifs (ex : les cryptomonnaies), et pour exécuter des contrats de manière automatique. Ce sont les fameux smart contracts.
Un smart contract est donc un programme informatique dont l’objectif est d’automatiser une action : par exemple, l’exécution d’une transaction juridique ou financière. Il est issu de la blockchain et rend actuellement possible les transactions de cryptomonnaies.
Concrètement, un smart contract exécute automatiquement des actions prédéfinies et inscrites dans une blockchain. A la différence d’un contrat traditionnel, qui définit les règles d’un accord entre plusieurs parties, le smart contract inscrit ces règles dans une blockchain tout en garantissant le transfert d’un actif prédéfini, lorsque les conditions contractuelles sont remplies. Seul le code informatique décide de l’exécution du contrat : c’est cette particularité qui rend ces contrats “intelligents”. Dès lors que les conditions prédéfinies sont remplies, le contrat est exécuté et chaque partie devient automatiquement débitrice de son obligation.
La complexité d’un smart contract est variable. Certains mettent en place des conditions simples (si la condition X est remplie, le contrat est automatiquement exécuté), tandis que d’autres se basent sur une chaîne de conditions complexes.
Quels sont les avantages et inconvénients du smart contract ?
Révolutionnaire, le smart contract ? Oui, mais il possède aussi certaines limites. Voici donc un panorama des principaux avantages et inconvénients de ce nouvel outil.
Les avantages
- L’automatisation des processus : grâce à cette automatisation, certains risques courants (tels que le risque d’impayé) disparaissent, puisque l’actif est transféré automatiquement dès que les critères prédéfinis sont remplis. C’est aussi un véritable gain de temps et d’efficacité.
- La sécurisation des échanges : la blockchain étant immutable (elle ne peut être modifiée ou falsifiée), l’accord entre les parties est sécurisé.
- La suppression des coûts intermédiaires dans l’élaboration et l’exécution d’un contrat : certains contrats traditionnels nécessitent l’intervention d’un intermédiaire (avocat, notaire…). Avec un smart contract, cette intervention n’est plus nécessaire.
Les inconvénients
- Le risque de failles, inhérent à tout programme informatique. Plus les smarts contracts sont complexes, plus le risque de faille est élevé.
- L’absence de toute régulation, qui pose un problème d’ordre moral et juridique.
Par ailleurs, les smart contracts possèdent des limites qui tiennent à la nature immuable (non modifiable) de la blockchain. Cela entraîne en effet une non-réversibilité des smart contracts, notamment en cas d’erreur dans leur rédaction. Cette impossibilité de revenir en arrière pose un risque évident.
Reste que la blockchain, en tant que technologie sous-jacente aux smart contracts, est encore jeune et (surtout) perfectible : des améliorations pourraient donc avoir lieu dans les prochaines années.
Quelles sont les différentes applications des smarts contracts ?
Les smart contracts peuvent être utilisés à de nombreuses fins. Prenons un exemple simple : les assurances voyage. Lors d’un hackathon à Londres en 2015, une équipe de programmeurs informatiques a créé un système d’assurance automatisé basé sur les smart contracts, partant du constat que 60% des passagers assurés contre le retard de leur vol ne réclament pas leur argent. Avec ce programme, les passagers sont automatiquement indemnisés lorsque leur vol est en retard, sans avoir besoin de déposer une réclamation, et sans que l’entreprise concernée ne doive traiter les demandes. Le smart contract, pour se déclencher, était connecté à une base de données de l’aéroport.
Cet exemple montre que la blockchain permet, de manière générale, d’augmenter la confiance et la sécurité nécessaires à l’automatisation, sans recours à un tiers ; il montre également que les smart contracts en particulier permettent de réduire les coûts d’exécution, d’arbitrage, de vérification, et de gagner ainsi en efficacité.
Mais attention : un smart contract reste un logiciel. Malgré son nom, il n’a pas en lui-même d’autorité juridique. Lorsqu’un contrat existe, le smart contract n’est qu’une application technique de celui-ci.
D’autres secteurs sont concernés par l’application des smart contracts : banque, logistique, agroalimentaire, jeux vidéo, immobilier… Globalement, les smart contracts peuvent être utilisés dans tous les secteurs économiques comme un moyen d’automatiser des tâches (comme le paiement d’une prestation) et de réaliser des gains de temps et d’efficience.
Quel avenir ont les smart contracts dans les relations contractuelles ?
Les smart contracts ont le potentiel de révolutionner les relations contractuelles. En effet, leur caractère automatisé offre de nombreuses possibilités, telles que l’annulation du contrat (ou la suspension du paiement) en cas d’inexécution totale ou partielle d’une obligation, et ce sans recours à un intermédiaire. Le remboursement automatique est également une possibilité offerte par les smart contracts, ce qui permet de sécuriser les relations contractuelles et de diminuer les risques inhérents à celles-ci.
On l’a vu, l’objectif affiché des smart contracts est de fluidifier les relations entre les parties, de garantir l’exécution des obligations de chacune d’entre elles et d’éviter tout risque de falsification. Un vaste déploiement de cette technologie permettrait ainsi de réduire les risques d’impayés ou de retards de paiement, de diminuer les risques d’erreurs humaines, mais aussi d’assurer le bon déroulement des contrats conclus entre les parties.
Ce n’est pas tout. Ce déploiement pourrait également permettre de soulager la justice, en la déchargeant des multiples contentieux liés aux contrats. A l’heure où l’on déplore le manque de moyens de la justice, cette possibilité n’est pas négligeable.
Déjà, de nombreuses plateformes de développement de blockchain ont recours aux smart contracts, telles que Ethereum ou Hyperledger. Cet essor n’en est qu’à ses prémices.
Il est fort à parier que les contrats simples sauront trouver dans l’automatisation et la rigueur proposées par les smart contracts une solution efficace. Quant aux contrats plus complexes, donc plus risqués, les parties devront arbitrer entre les vertus et les inconvénients des smart contracts. On peut imaginer qu’à l’avenir, les modalités d’exécution des smart contracts s’affinent, jusqu’à n’automatiser que ce qui doit absolument l’être. Les contrats pourront ainsi bénéficier des avancées technologiques (automatisation, efficacité, simplicité…), sans toutefois perdre entièrement le contact avec l’éthique ni avec le cadre légal.
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