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L'accord de coexistence de marques

Me Anthony Canivez
Écrit par Me Anthony Canivez. Avocat, spécialisé en droit des affaires
Relu par Clémence Bonnet.

Le dépôt de marque est une étape cruciale pour en assurer la protection. Rappelons que pour être protégée, une marque doit être disponible, distinctive, non contraire aux bonnes mœurs et non trompeuse. Il est important de prendre le temps de protéger cet actif qui pourra par la suite être valorisé.
Le dépôt de la marque confère à son propriétaire un monopole d’exploitation et la possibilité d’agir contre des actes de contrefaçon ou d’agir en opposition contre le dépôt d’une marque similaire ou identique.

Or avec la multiplication des flux financiers et commerciaux irrigués par la mondialisation, le nombre de marques ne cesse d’augmenter, ce qui suppose donc logiquement un accroissement du risque de similarité.

Toutefois, si vous êtes nouvellement titulaire d’un droit de marque qui s’avère être similaire à une marque préexistante, il existe un dispositif permettant d’atténuer les risques et conséquences qui en découlent. Il s’agit de l’accord de coexistence de marques. La mise en place de ce mécanisme peut cependant être ambivalente et sujette à plusieurs risques.

Me Anthony Canivez, avocat spécialisé en Droit de la Propriété Intellectuelle et Droit du numérique, revient sur la notion d’accord de coexistence de marques afin d’en décrypter les fondements. 

 

 

Qu’est ce qu’un accord de coexistence de marques ?

 

Un accord de coexistence de marques offre une solution face à la similarité des marques. Celle-ci permet à la marque préexistante et à la nouvelle de coexister. L’objectif étant de garantir l’existence des deux sans qu’aucun titulaire ne se sente défavorisé. Pour cela, les accords de coexistence de marques doivent correspondre à des concessions réciproques ayant pour objectif de clore une contestation ou d’anticiper un potentiel conflit entre les deux titulaires.

Un accord de coexistence est un contrat, soumis aux dispositions du code civil en matière de droit des contrats. Cet accord permet de contourner la tenue d’un éventuel procès en opposition à l’enregistrement d’une marque. L’accord de coexistence conduit à la conservation des intérêts respectifs des deux titulaires de marque, considérés comme titulaires de marques voisines.


À noter :
L’accord de coexistence de marques est à distinguer du contrat de licence de marque dans la mesure où ce dernier permet à un entrepreneur d’exploiter une marque qui n’est pas la sienne. 

 

Comment négocier et mettre en place un accord de coexistence de marques ?

 

Bien négocier un accord de coexistence permettra non seulement à deux marques identiques ou similaires de subsister, mais aussi à ces deux titulaires de ne pas voir leurs intérêts économiques lésés. La condition principale pour qu’un accord de coexistence de marques puisse exister réside donc dans le fait que les deux parties trouvent un terrain d’entente. 

À ce titre, il est important d’être accompagné par un avocat spécialisé pour appréhender les différents points sensibles d’un accord de coexistence de marques. Pour le mettre en place, il est notamment nécessaire de prêter une attention particulière aux éléments suivants :

  • la portée territoriale et la durée de l’accord : ces questions sont souvent mal abordées par les parties et propices aux erreurs (nous les développerons dans la prochaine sous-partie) ;
  • les produits ou services que la partie à l’initiative de l’accord pourra revendiquer dans son dépôt et dont elle pourra faire usage commercialement, sans porter atteinte aux droits et aux intérêts du titulaire de la marque la plus ancienne. Il est donc important de bien délimiter le domaine d’activité ;
  • les conditions de dépôt et d’exploitation des marques en présence : étant donné que ces deux marques seront amenées à coexister, elles ne doivent pas générer de confusion chez le potentiel consommateur. La partie qui est à l’initiative d’un accord de coexistence est en pratique celle qui doit faire l’effort de distinction;
  • les conditions dans lesquelles les marques sont exploitées par chaque partie :  modes de communication (slogans, baseline, campagnes publicitaires…), circuits de distribution… Plus les conditions d’exploitation seront distinctes, plus il sera aisé de faire coexister les marques et de ne pas empiéter les intérêts économiques de l’autre ;

Pour négocier tous ces points, il est indispensable d’être aiguillé par un avocat spécialisé. Ce dernier pourra notamment identifier les visées commerciales des entreprises en présence et déterminer la teneur des signes distinctifs, dénominations et autres slogans susceptibles de coexister. C’est alors le moyen d’anticiper au mieux les potentiels différends à venir. Un avocat fera figurer les mentions nécessaires mais permettra aussi d’éviter les écueils qui, comme nous allons le voir, sont nombreux. 

 

Quelles sont les erreurs à éviter ?

 

La portée territoriale de l’accord mais aussi sa durée, sont deux points qui doivent attirer particulièrement votre attention au cours de la négociation d’un accord de coexistence de marques. 

En effet, dans le premier cas, les parties ont souvent tendance à penser qu’un accord de coexistence de marques est valable à échelle internationale. Or, de nombreux pays ne reconnaissent pas la possibilité que deux marques puissent coexister malgré la volonté des deux titulaires. Il est donc important que les parties veillent à préciser sérieusement les pays concernés.

La durée de l’accord est aussi un point propice aux erreurs. Lors de la négociation de l’accord, les parties peuvent avoir tendance à considérer que ce dernier existera tant que les marques existeront aussi. En d’autres termes, l’accord sera nul que lorsqu’une marque disparaîtra (faute de renouvellement par exemple). Or, il est important de pouvoir veiller à la bonne cohabitation des deux marques au fil du temps. En effet, celles-ci peuvent être amenées à changer, évoluer, présenter de nouvelles caractéristiques. C’est pourquoi il est important que l’accord ne soit pas figé au risque de paralyser pas les deux marques dans leur développement. Les parties ont tout intérêt à préciser un nombre d’années précis et un mécanisme de remise à plat de l’accord pour pouvoir l’adapter en tenant compte de l’évolution des deux marques similaires. 

La présence d’un avocat spécialisé permet de prévenir ce genre de situation et par conséquent de préserver au maximum les intérêts économiques des deux parties. A ce sujet, il sera possible d’insérer une clause compromissoire prévoyant le recours à l’arbitrage ou la médiation en cas de litige, de manière à ce que le recours au juge ne soit envisagé qu’en ultime recours. 

 

icon En résumé En résumé
  • Un accord de coexistence de marques est une solution à la similarité de marques, elle permet à deux marques semblables de pouvoir cohabiter en préservant les intérêts économiques des titulaires.
  • Il faut prêter une attention particulière à l’ensemble des points sensibles évoqués avant de finaliser un accord de coexistence de marques et se poser certaines questions, en se demandant en particulier quelles sont les évolutions de la marque du cocontractant afin de pouvoir faire évoluer également l’accord.
  • Ces accords de coexistence doivent être rédigés avec beaucoup de vigilance notamment en ce qui concerne la portée territoriale et la durée de l’accord. Une rédaction minutieuse permettra d’éviter l’écueil de l’action en contrefaçon. A ce titre, le recours à un avocat spécialisé est indispensable.
  • Un tel accord implique nécessairement que l’une des parties ait connaissance de l’existence d’une marque identique ou similaire à la sienne, déposée pour des produits ou services a priori identiques ou similaires aux siens, toutefois, il arrive que deux marques coexistent sans qu’il ne soit question d’accord de coexistence dans la mesure où elles ne seraient pas sur le même territoire et ne seraient pas nuisibles au développement économique de l’autre.

 

Me Anthony Canivez

Avocat au Barreau de Strasbourg, spécialisé en droit et contentieux des affaires, Me Anthony Canivez assiste une clientèle d’entrepreneurs dans divers secteurs. Plus particulièrement, son activité inclut le conseil et la défense des entreprises en matière de droit commercial, droit des contrats, droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies devant les juridictions. Il assiste également les entreprises dans la rédaction de leur documentation contractuelle dans de nombreux secteurs d'activité (CGV, CGU, contrats commerciaux, ...).

 

Relu par Clémence Bonnet. Diplômée de l'École des Avocats
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