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Comment anticiper et gérer les risques d’impayés ?

Me Justine Ouazan-Bouhours
Me Justine Ouazan-Bouhours Avocate, spécialisée en droit des contentieux Relu par Clémence Bonnet, Diplômée de l'École des Avocats

Principal fléau chez les dirigeants, les impayés peuvent rapidement être la source de lourdes difficultés pour les entreprises parfois très dépendantes de ce flux d’argent. 

Les aides gouvernementales mises en place lors de la crise sanitaire ont permis un effet amortisseur, mais cet état est illusoire et de réelles difficultés tendent à émerger dans les prochains mois. Alors, comment réagir dans ce genre de situation ? 

Pour y répondre, nous avons organisé un webinar avec la participation de Me Justine Ouazan-Bouhours, disponible en replay ci-dessous et retranscrit dans cet article. 

 

 

Les intervenants :

    • Maître Justine Ouazan-Bouhours : avocate spécialisée en conseil et contentieux des affaires. 
    • Philippe Wagner : CEO et cofondateur de Captain Contrat, plateforme en ligne de services juridiques et administratifs.

 

 

Qu’est-ce qu’un impayé ? 

 

Me Ouazan-Bouhours : Un impayé peut se définir dès lors qu’on émet une facture avec une date d'échéance et qu’à cette date d'échéance (soit à réception de la facture, soit 30 jours fin de mois, soit 45 jours), cette facture n’est pas payée par son débiteur. 

Dès lors, et avant de réclamer la créance impayée, il est indispensable de vérifier que cette créance remplit les conditions pour  être revendiquée. Elle doit pour cela être : 

      • exigible : à compter de la date d’échéance qui est mentionné dans la facture : soit à réception, soit à 30 jours fin de mois, soit 45 jours
      • certaine : une créance que l’on peut prouver par une documentation commerciale, une commande, une exécution du contrat 
      • liquide : il faut que ce soit une somme d’argent que l’on puisse réclamer. 

 

Des mentions obligatoires doivent être respectées sur les factures. Toutefois, une facture sur laquelle il manquerait des mentions ne fait pas perdre pour autant le caractère liquide et exigible de la créance. 

Doit d’ailleurs être mentionnée dans la facture, l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, d’un montant de 40 euros,  due par le client professionnel auprès de son cocontractant en cas de retard. Cette indemnité est due de plein droit. (art. L 441-9, I, alinéa 5 et D 441-5 du Code de commerce) 

La facture doit également préciser clairement les conditions d’exigibilité. Sans cela, il sera impossible de déterminer le caractère exigible de la créance. 

De plus, la mention dans la facture permet de faire démarrer dans certains cas les intérêts de retard (par exemple, il est possible de prévoir de faire partir des intérêts de retard lorsque la facture n’est pas payée à réception par exemple).  

 

Une fois l’impayé caractérisé, que faire concrètement ? 

 

Quelles sont les solutions pour recouvrer à l’amiable une créance impayée ?

 

Me Ouazan-Bouhours : C’est la première étape pour tenter de recouvrer un impayé. Le créancier doit tout d’abord envoyer des relances au débiteur par email (principalement pour conserver une preuve écrite). 

Si ces premières relances restent sans réponse, il faudra penser à faire une première lettre de mise en demeure formelle à l’entête du créancier. S’en suivra une seconde lettre de mise en demeure signée de la main de l’avocat.  

 

✏️ À noter
La première lettre de mise en demeure peut être rédigée directement par le créancier mais il est recommandé de se faire assister d’un avocat lors de sa rédaction dans la perspective d’une seconde lettre de mise en demeure si la première ne fonctionne pas. Si ces moyens restent infructueux, des mesures de recouvrement judiciaire pourront être mises en place.


La mise en demeure  

 

Le créancier peut la rédiger lui-même, toutefois en fonction de la teneur du dossier ou du montant de la créance il peut être recommandé de la faire rédiger par un avocat. A noter que la lettre partira toujours à l’entête du créancier. 

En règle générale, la lettre de mise en demeure respecte une trame au sein de laquelle sont renseignés : le contexte des relations entre les parties, depuis combien de temps elles entretiennent des relations, l’objet de l’impayé, le numéro de la facture de l’impayé et se termine par une mention de mise en demeure formelle indiquant que si la facture n’est pas payée dans les 8 jours à compter de la réception de la lettre de mise en demeure, des mesures judiciaires pourront être engagées. 

 

Quid des intérêts de retards ?

 

Les intérêts de retards sont généralement directement mentionnés dans la lettre de mise en demeure. 

Mon conseil à ce sujet si vous avez fixé une échéance de facturation à réception : je vous encourage à mentionner dans la facture et les CGV que les intérêts de retards commenceront à courir à compter de la réception de la facture sans mise en demeure préalable. Comme cela, si le débiteur ne paye pas à réception de la facture, les intérêts de retard commencent à courir. 

Lorsque vous envoyez le courrier de mise en demeure, vous calculez les intérêts qui ont couru entre la date d’échéance de la facture et la date de la lettre de mise en demeure, auxquels s’ajoutent les 40 euros de frais de recouvrement par facture. 

 

Faut-il distinguer selon que le débiteur est consommateur ou professionnel ? 

 

Les intérêts de retards ne sont pas mentionnés de la même manière selon que l’on est dans une relation BtoB ou BtoC

Dans une relation BtoB, on peut indiquer qu’il y aura des intérêts de retard à compter de la date d’échéance sans mise en demeure préalable alors que ce n’est pas possible dans une relation BtoC : il faut une lettre de mise en demeure pour pouvoir faire démarrer les intérêts de retard. 

Engager des mesures de recouvrement amiable est une étape obligatoire, ne serait-ce que pour garder la possibilité par la suite d’aller au judiciaire. En effet, depuis quelques années, il est obligatoire d’indiquer dans une assignation que des mesures amiables ont été entamées au préalable. 

Autre avantage du recouvrement amiable : le coût. Contrairement aux mesures judiciaires, le créancier n’aura pas à payer les formalités d’assignation avec les frais d’huissier. L’avantage pour le créancier est de limiter les coûts, mais cela ne fonctionne pas systématiquement. Dans 7 cas sur 10, une lettre de mise en demeure rédigée par un avocat suivie éventuellement d’un second courrier d’avocat, permet le recouvrement de la créance. Pour les 30% restants, il est nécessaire de passer devant les juridictions. 

Concernant le délai de la procédure amiable : à compter de la date d’exigibilité de la créance, il faudra compter environ 1 mois de relance par email, puis compter environ 2-3 semaines pour le premier courrier de mise en demeure (et 2-3 semaines supplémentaires en cas de second courrier d’avocat). La procédure se fera au plus vite et dans le meilleur des cas en 2 mois. 


Est-ce que le débiteur peut prendre en charge les frais du créancier ? (frais de rédaction de la mise en demeure) 

 

Tout peut être négocié, mais en pratique dans le cadre d’un recouvrement amiable il est très rare de faire peser les frais de procédure sur le débiteur. A la différence du recouvrement judiciaire (art 700 du code du procédure civile) : pour une facture entre 5000 et 15 000 euros et en cas de mauvaise foi du débiteur caractérisée, ce dernier pourra être condamné, en plus de la facture et des intérêts de retard avoisinant les  1000 à 1500 euros en vertu de l’article 700 du CPC, ce qui permet de prendre en charge une grosse partie des frais d’avocat, d’huissier et frais de justice. 



Quelles sont les actions judiciaires possibles en cas d’échec de recouvrement amiable ?  

 

Me Ouazan-Bouhours : On bascule dans le recouvrement judiciaire après la dernière lettre de mise en demeure rédigée par l’avocat et laissée infructueuse. Ce recouvrement implique nécessairement de saisir les juridictions, on demande au juge de se prononcer pour dire s’il faut condamner ou non le débiteur à payer les frais qu’il doit. 

Il y a plusieurs moyens de récupérer une facture. 

 

L’injonction de payer  

 

On serait tenté de commencer par une injonction de payer. Ce n’est pas une procédure que je recommande car il faut vraiment que la créance soit certaine, qu’il n’y ait aucun doute sur la façon dont le contrat a été conclu et que toutes les clauses aient bien été acceptées. 

Mais dès que l’on est dans une relation contractuelle un peu complexe, l’injonction de payer ne fonctionne souvent pas et révèle surtout des frais cachés pour le créancier. Ce dernier va en effet devoir recourir à un huissier pour délivrer les actes à plusieurs reprises, avec le risque in fine de se voir contester la facture par le débiteur dans le cadre d’une opposition, qui impose de repartir dans une procédure au fond classique. 

Il existe deux autres moyens de saisir les juridictions : 

      • par le référé-provision ;
      • par une assignation au fond.

 

Le référé-provision 

 

On essaie toujours de faire le référé-provision car on pense que c’est plus rapide. En réalité, cela dépend de la juridiction. 

De plus, le référé-provision implique de n’avoir aucun doute sur la facture. Il faut que toute la documentation commerciale, que les échanges entre les parties, aient été très clairement régularisés et que le juge n’ait pas à se positionner sur une interprétation des termes du contrat. A défaut, il renverra également au fond. 

 

L’assignation au fond 

 

Pour éviter ces déboires, je saisis généralement le fond directement afin d’éviter tout risque de renvoi

La procédure d’assignation au fond, est une procédure via une assignation que l’on adresse selon les relations BtoB ou BtoC devant le tribunal de commerce ou judiciaire. 

Une assignation est délivrée au débiteur à une date fixée, généralement à un mois avant pour laisser le temps au débiteur de trouver un avocat et d’être représenté à la première audience. S’en suivent quelques audiences de procédures afin que le débiteur et le créancier aient le temps de répondre aux écritures avant la plaidoirie. 

Avec les risques de renvoi en moins, il n’est pas rare que l’assignation au fond soit plus rapide que l’injonction de payer ou le référé-provision.

Il faut tout de même compter entre 6 à 8 mois avant qu’une décision soit prise. 

Cette procédure offre plus de chance de recouvrer la créance, et ce même si la documentation commerciale et que les contrats ne sont pas irréprochables.

 

Quel est le coût du recouvrement judiciaire  ? 

 

J’essaie toujours d’adapter le montant de mes honoraires aux enjeux du dossier et au montant de la créance.  

Mais il est impossible de faire ce type de procédure sans dépenser moins de 1300 euros. Il faut prévoir les honoraires de l’avocat qui rédige l’assignation, le correspondant qui s'occupe des audiences de procédure et les frais d’huissier. 

Ces procédures de recouvrement judiciaires sont donc intéressantes pour des montants de créances impayées supérieures à 1500 euros. 

 

✏️ À noter
Ces procédures s’arrêtent lorsque le débiteur est en liquidation judiciaire. Dans ce cas, la seule chose à demander est la fixation de la créance au passif de la liquidation, tout en sachant que la créance n’est pas prioritaire et a donc très peu de chance de la recouvrir (ce sont des créances chirographaires qui viennent après les créanciers privilégiés que sont la TVA, URSSAF, impôt bailleur…).

 

La lettre de mise en demeure est-elle obligatoire pour passer aux mesures de recouvrement judiciaires ? 

 

Les emails de rappel des factures ne suffisent pas pour passer au judiciaire. Il faut une lettre de mise en demeure formelle puis la lettre de mise en demeure d’avocat. Je ne fais jamais partir une assignation sans envoyer précédemment une mise en demeure d'avocat au préalable. C’est aujourd’hui indispensable de prouver que ces mesures ont été mises en place pour pouvoir assigner un débiteur. 

 

✏️ À noter
Les procédures sont les mêmes qu’il s’agisse d’un micro-entrepreneur ou d’une société.

 

Est-ce qu’il y a une valeur maximale d'intérêts de retards en BtoB ?

 

Généralement on part sur un taux pour calculer les intérêts, et ils courent tant que la facture n’est pas payée. Il n’y a donc pas de montant maximal. 

Pour fixer le taux, on se réfère au taux légal ou au taux BCE. Il faut que le taux reste raisonnable, à défaut, cela pourrait être assimilé à une clause pénale. 

Mais il est déjà arrivé d’avoir un impayé de 5000 euros et tout autant d’intérêts de retard par l’effet du temps qui s’est écoulé et l’accumulation des intérêts, notamment à cause d’erreurs de procédure au départ (injonction de payer devant la mauvaise juridiction, puis une seconde renvoyée au fond. Il s’était alors écoulé 4 ans). 

 

Quid de la médiation judiciaire ou la conciliation ? 

 

C’est généralement après la mise en demeure et avant le recouvrement judiciaire. Il s’agit d’une autre façon de tenter de recouvrer les créances après les procédures amiables, mais c’est aussi le risque de rallonger les délais. De plus, qui dit médiation dit renonciation réciproque. Donc pour une créance de 5000 euros, il est peu probable que le créancier recouvre l’intégralité de la somme via une procédure de médiation. Les discussions finiront sans doute sur une somme plus faible et un recouvrement de 3500 euros par exemple. Tandis que le juge ne fera pas baisser le prix de la facture pour rapprocher les parties. 

 

Les conseils pour anticiper les risques d’impayés  

 

La priorité est de rédiger une bonne documentation commerciale. Dans des rapports BtoB ou BtoC, l’important est d’avoir de bonnes CGV ou CGPS qui vont prévoir comment les factures vont être payées, les dates d’échéances, les conséquences en cas de retard, les juridictions compétentes, si on prévoit une clause de médiation ou non. Enfin, l’ensemble de la documentation doit être signé et accepté en bonne et due forme. 

En effet, dans le cadre d’une première commande accompagnée de documents non signés, le juge pourra considérer qu’il n’y a pas contrat, contrairement à une relation commerciale établie depuis plusieurs années qui pourra laisser place à discussions. 

Pour rappel : les CGV sont obligatoires dans les relations entre consommateurs. Dans les relations entre professionnels, dès lors que le cocontractant en fait la demande, l’autre partie est obligée de les fournir. 

 

Est-il possible d’identifier un peu en amont les mauvais payeurs ? 

 

Malheureusement, on se rend compte du mauvais payeur au moment où il ne paie pas. L’une des façons d’anticiper ces mauvais payeurs est de fonctionner avec un paiement avec provisions. Prévoir le paiement d’une provision (acompte) avant d’expédier les marchandises ou l’exécution de la prestation de service peut s’avérer judicieux. Si le débiteur est déjà réticent à payer l'acompte c’est déjà un signe... 

 
✍️ En résumé
  • Avant de réclamer la créance impayée, il est indispensable de vérifier que cette créance remplit les conditions pour  être revendiquée : être exigible, certaine et liquide. 
  • Première étape pour recouvrer un impayé : les solutions amiables et relances.
  • En cas d'échec de ces solutions amiables, s'ouvre les voies judiciaires : injonction de payer, référé provision et assignation au fond.
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Après avoir exercé plusieurs années au sein de cabinets anglo-saxon (Freshfields Bruckhaus Deringer) et français (Altana) de premier plan en conseil et contentieux des affaires, ainsi que dans un cabinet parisien ayant une expertise reconnue en droit immobilier, j'ai crée mon propre cabinet intervenant dans trois domaines principaux : droit immobilier, droit du tourisme, conseil et contentieux des affaires. Compétence, réactivité, pragmatisme, rigueur et transparence, sont les valeurs du cabinet dont l’objectif est de répondre au mieux aux attentes de ses clients.

Relu par Clémence Bonnet

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