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Procédure d'injonction de payer : fonctionnement, conditions et coût

Pierre-Florian Dumez
Écrit par Pierre-Florian Dumez. Juriste de formation. Diplômé d’un Master II en droit économique
Relu par Sofia El Allaki.

Que ce soit pour la gestion d’une entreprise, ou d’un patrimoine immobilier, il existe des situations où nous sommes, en tant que créancier, confrontés à des mauvais payeurs.Dès lors qu’une créance (dette) est exigible et qu’il est possible de la prouver son existence et son montant par un document écrit (contrat, facture, etc.), l’injonction de payer peut constituer une stratégie de choix pour forcer le débiteur à procéder au paiement. Autre alternative, et dans certains cas seulement, le créancier peut directement recourir à un huissier de justice pour le sommer de payer.

 

 

Quelle est la différence entre le recouvrement par huissier et l’injonction de payer ?

 

Vous disposez d’une procédure simplifiée en passant par un huissier. Pour avoir accès à celle-ci, votre dette doit être inférieure à 5 000 €. Cette procédure est payante. Les conditions d’ouverture sont les mêmes que pour une injonction de payer devant le tribunal, autrement dit votre créance doit avoir soit une origine contractuelle, soit être issue d’une obligation statutaire ou résulter d’un instrument de crédit bancaire. Elle doit également être exigible et non prescrite.

 

Le recouvrement de créance par un huissier

 

Lorsqu’une dette n’a toujours pas été réglée malgré des lettres de relance et une mise en demeure, le créancier avise le débiteur de son souhait de mettre en place une procédure de recouvrement avec un huissier. Le débiteur prend alors contact avec ce dernier afin de trouver une solution adéquate. La totalité de la procédure est à la charge du créancier.Le recouvrement peut prendre la forme d’un échéancier en cas d'acceptation de la procédure par le débiteur.

Néanmoins, le pouvoir de l’huissier, à défaut de jugement rendu par une juridiction, reste très limitée. En effet, à défaut de titre exécutoire (titre constatant une créance reconnue notamment par une juridiction de l’ordre judiciaire), l’huissier ne peut contraindre le débiteur à payer les sommes dues. Dès lors que ce dernier refuse, le créancier devra engager une procédure classique ou une requête en injonction de payer.

 

Comment solliciter une injonction de payer ?

 

L’injonction de payer ne fait pas intervenir un huissier mais un juge. Une requête est adressée par le créancier au tribunal accompagné d’un dossier justificatif. Sur cette base, le juge rend une ordonnance d’injonction de payer.

 

À noter :
La requête est une procédure dérogatoire faite en l’absence de débat contradictoire de l'adversaire. Ce dernier n’est informé de la requête qu’une fois la décision rendue par le juge (ordonnance). L’adversaire dispose d’un délai d’un mois pour contester la requête en injonction de payer par la voie de l’opposition.

 

C’est une approche peu coûteuse et appréciée pour sa simplicité d’exécution. Si le débiteur ne s’oppose pas à la requête, l’ordonnance rendue vaut comme titre exécutoire. Dès lors, le créancier pourra faire appel à un huissier pour obtenir paiement de sa créance par tous les moyens légaux admis (au moyen d’une saisie notamment). L'injonction de payer n’est pas plafonnée et reste, en principe, plus efficace que la procédure de recouvrement engagée sans titre exécutoire.

 

Pourquoi privilégier l’injonction de payer ?

 

Grâce à un coût accessible et une simplicité d’exécution, l’injonction de payer est une excellente manière d’obtenir les paiements qui vous sont dus. Elle fait appel à la justice et transmet au débiteur un message fort. Elle suffit très souvent à permettre le recouvrement des impayés. Avec une requête acceptée par le tribunal et dans le cas où votre débiteur refuse toujours de répondre à ses engagements, les recours qui suivent tels que l’intervention d’un huissier ou l’action en justice seront moins inconfortables en raison de votre titre exécutoire.

 

Quelles sont les conditions préalables pour réaliser une injonction de payer ?

 

Pour être acceptée par la juge, la créance doit être certaine, liquide et exigible. De plus, le créancier doit avoir mis en demeure le débiteur d'exécuter son obligation (celle de payer).

 

La mise en demeure préalable

 

Souvent négligée, la mise en demeure est pourtant un préalable indispensable à toute personne réclamant d’une autre l’exécution d’une obligation. La mise en demeure prend la forme d’une lettre (souvent recommandée avec accusé de réception pour prouver la date et la réception de la mise en demeure) rappelant un certain nombre d’information au débiteur :

  • le montant de la somme ;
  • le contrat dont elle est issue ;
  • le cas échéant, un délai de paiement avant la saisie d’un juge ;
  • les éventuels intérêts de retard ;
  • une demande suffisamment claire d'exécution de l’obligation (paiement de la créance).

 

En outre, elle constitue une tentative de résoudre amiablement le litige. Afin d’améliorer son impact psychologique sur le débiteur, vous pouvez faire rédiger la lettre de mise en demeure par un avocat.

 

L’existence d’une créance liquide, certaine et exigible

 

La dette au centre du litige est fixe. Il ne s’agit pas d’une demande pour le paiement de dommages et intérêts, ou pour toute autre somme non établie à l’avance.

D’un point de vue juridique, pour être admise en procédure d’injonction de payer la créance doit être :

  • exigible, c’est à dire que le délai de paiement accordé au débiteur est dépassé ;
  • liquide, le montant de la créance doit être déterminé ;
  • certaine, il ne doit pas avoir de contestation quant à son existence et son montant.

 

Ainsi, toute créance pouvant être contestée de manière sérieuse ne peut bénéficier de la procédure de l’injonction de payer. Il faut alors se tourner vers une procédure classique.

Il faut bien entendu que le créancier soit en mesure d'apporter la preuve écrite de l'existence de la créance au moyen d’un contrat ou d’un devis signé. A défaut, la procédure en injonction de payer ne pourra pas être envisagée. 

À noter :
L’injonction de payer se montre pertinente pour tous les montants relatifs à des statuts d’entreprise, des contrats, des factures. Elle ne peut être réalisée que pour un conflit avec un débiteur résident français, et qui n’est pas en procédure collective (redressement judiciaire, liquidation judiciaire…). 

 

Parmi les situations concrètes pour lesquelles vous pouvez demander une jonction de payer, il y a par exemple :

  • le remboursement d’un crédit ;
  • une facture impayée ;
  • un loyer impayé ;
  • le paiement d’une lettre de change ;
  • le paiement d’un bordereau Dailly (cession de créance professionnelle) ;
  • le paiement d’un billet à ordre.

 

Comment réaliser une requête en injonction de payer ?

 

La procédure est réalisable par papier libre, ou avec l’utilisation d’un formulaire Cerfa à demander auprès du tribunal compétent. Une interface en ligne permet également de faire la requête.

 

Quel est le tribunal compétent ?

Le tribunal compétent dépend du montant et de la nature de créance.

Juridiction compétente

Condition(s)

Tribunal de commerce

Créance de nature commerciale

Tribunal de proximité

Créance de nature civile inférieure à 4 000 euros

Tribunal d’instance

Créance de nature civile comprise entre 4 000 et 10 000 euros

Tribunal de grande instance

Créance de nature civile supérieure à 10 000 euros

 

Quant à la compétence territoriale, le tribunal compétent est celui du ressort du débiteur poursuivi.

 

Le dépôt de la requête au greffe du tribunal compétent

 

Le dossier doit dans tous les cas être constitué des éléments permettant au juge d’arbitrer le contentieux :

  • identité / adresse / nationalité / date et lieu de naissance du demandeur ;
  • les informations relatives à la personne morale ou physique contre qui la requête est formulée ;
  • l’objet de la demande ;
  • toutes les informations au sujet de la dette ;
  • les pièces justificatives. Afin de s’assurer du succès de votre démarche ; assurez-vous d’apporter un dossier le plus précis possible pour lequel il ne pourrait y avoir d’équivoque (contrat ou devis signé, facture(s), décompte des règlements antérieurs etc).

 

L’ensemble du dossier doit être déposé au greffe du tribunal compétent soit par une plateforme en ligne soit par courrier.

 

Quel est le coût d’une injonction de payer ?

 

Les frais de greffe s'élèvent à 35,21 euros lorsque la procédure est placée devant le président du tribunal de commerce.  Ils doivent être payés dans les quinze jours suivant la présentation par le demandeur de la requête, sinon cette dernière deviendra caduque.

D’autres frais peuvent venir s’ajouter selon le dénouement de la procédure (frais d’huissier, d’avocats, de significations etc…).

 

À noter :
Le créancier peut demander que certains frais soient mis à la charge du débiteur.

 

L’injonction de payer rendue par le juge sur requête : l’ordonnance

 

Sans consulter le débiteur, le juge établit la validité de la requête. Dans le cas d’une acceptation, il rend une ordonnance portant injonction de payer. Elle prend en compte une partie ou la totalité de la somme demandée par le créancier, selon les éléments retenus.

 

Le débiteur s’oppose à l’ordonnance

 

C’est un jugement que le débiteur a la possibilité de contester par la voie de l’opposition dans un délai de 1 mois par lettre recommandée avec avis de réception, ou par une déclaration auprès du tribunal.

Ce dernier est donc obligé de convoquer le créancier et le débiteur pour une conciliation. Les parties n’ont obligation d’être assistées par un avocat que s’il s’agit d’une démarche conduite devant le tribunal de grande instance. Un jugement est alors rendu, il est incontestable, sauf s’il s’agit d’une dette supérieure à 4000 euros. Dans ce cas, l’appel et le pourvoi en cassation (quand il n’y a plus de voies de recourt envisageables) peuvent être envisagés.

 

Le débiteur ne s’oppose pas à l’ordonnance

 

Le délai de d’opposition de l’injonction de payer passé, le créancier sans nouvelles dispose lui aussi d’une durée de 1 mois pour demander au juge de mettre une formule exécutoire sur l’ordonnance.Une formule exécutoire est une phrase ou suite de mots sur un document qui vaut pour jugement. L’intervention d’un huissier à ce moment pour faire valoir la formule auprès du débiteur est pertinente.

 

La différence entre la procédure devant un juge et celle effectuée par un huissier

 

 

Vous enclenchez vous-même la procédure et vous pouvez passer si vous le souhaitez par la plateforme des petites créances (cette plateforme centralise les demandes auprès des huissiers territorialement compétents) ou bien choisir vous-même un huissier territorialement compétent. Pour que cette procédure soit efficace, il faut que le créancier et le débiteur soient d’accord sur le montant de la dette. En effet, ici le débiteur est sollicité pour donner son avis sur le bien-fondé de la créance et son montant.

Cette procédure est facultative, car vous pouvez choisir la procédure d’injonction devant le tribunal.

Même si elle est payante, cette procédure est extrêmement simple. Il suffit de remplir un formulaire avec les caractéristiques de la créance accompagné des pièces justificatives pour l’enclencher. De plus depuis le 1er janvier 2020, il est possible d’engager cette procédure par un simple message électronique.

Comme vous pouvez le constater, plusieurs procédures sont à votre disposition pour récupérer les sommes qui vous sont dues. Une injonction de payer européenne a également été mise en place. Par ailleurs, pour vous protéger des contentieux, il est pertinent de demander le conseil d’un avocat spécialisé pour la rédaction de vos contrats rendant la compréhension des contrats par le juge beaucoup plus claire ! 

 

icon En résumé En résumé
  • Le recouvrement de créance peut s'effectuer par le biais d'un huissier ou par le biais d'une injonction de payer.
  • Avant de lancer une procédure d'injonction de payer, il faut effectuer une mise en demeure préalable.
  • La créance doit répondre à trois critères : être liquide, certaine et exigible.

 

Juriste de formation, Pierre-Florian est diplômé d’un Master II en droit économique de l'Université d'Aix-Marseille. À la fin de ses études, il crée une start-up spécialisée dans la mise en conformité des entreprises au règlement général sur la protection des données (RGPD). Aujourd'hui, il est responsable contenu.
Relu par Sofia El Allaki. Diplômée en droit
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