En tant que locataire ou bailleur d’un bail commercial, vous vous interrogez peut-être sur la fixation du prix et les règles de révision des loyers.
La règle est la suivante : lors de la conclusion du contrat de bail, le loyer est librement fixé par les parties, tandis que la loi encadre strictement les révisions ultérieures.
Quels sont donc les cas de révision du loyer prévus par la loi ? Quelles règles s’appliquent en la matière ?
Me Baptiste Robelin, avocat spécialisé dans le domaine des baux commerciaux, décrypte pour vous le sujet de l’indexation du loyer d’un bail commercial.
SOMMAIRE :
Rappel : comment sont fixés les loyers commerciaux ?
Le loyer d’un bail commercial est librement fixé par les parties. Son montant n’est soumis à aucune règle de calcul, et le bailleur n'est pas tenu par le loyer du locataire précédent ni par un quelconque indice de référence. En principe, cependant, le loyer du bail commercial est fixé d’après la valeur locative du bien.
Une clause du bail commercial peut prévoir le versement d’un droit d’entrée au bailleur, appelé pas-de-porte. Cette somme, librement fixée par les parties, ne constitue pas un dépôt de garantie : elle est définitivement acquise au bailleur et n’est donc pas remboursée à la fin du bail.
Les révisions ultérieures du loyer sont, quant à elles, encadrées par la loi afin de protéger le locataire d’une augmentation inconsidérée des prix, tout en garantissant au bailleur l’augmentation de son loyer dans le temps. En cours de bail, le loyer peut être révisé à plusieurs occasions. La révision peut ainsi être d’origine légale (elle est prévue par la loi), ou conventionnelle (elle est prévue par le contrat, en accord avec la volonté des parties).
Par ailleurs, le loyer peut également être révisé au moment du renouvellement du bail commercial.
Quels sont les différents types de révision ?
Nous l’avons vu, il faut ici distinguer la révision légale de la révision conventionnelle. Il s’agit des deux types de révision possibles au cours de la vie du bail.
La révision légale
La révision légale, ou révision triennale, est une modalité de révision du loyer automatique prévue par l’article L.145-38 du Code de commerce : s’appliquant de plein droit, elle n’a pas à être mentionnée dans le bail.
Le loyer peut ainsi être révisé à la demande du bailleur (pour une augmentation) ou du locataire (pour une diminution), après l’expiration d’un délai de 3 ans à compter :
- de l’entrée du locataire dans les locaux ;
- de la date du renouvellement du bail commercial ;
- de la précédente révision (le cas échéant).
La demande de révision triennale doit être signifiée par acte d’huissier, ou adressée par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). Elle doit préciser le montant du loyer révisé. Attention : toute demande faite avant l'expiration de la période triennale est considérée comme nulle. La révision du loyer prend effet à la date de demande en révision.
La révision triennale du loyer est établie en tenant compte d’un indice trimestriel de référence, publié tous les trois mois par l’INSEE, et qui dépend de l’activité exercée dans les locaux loués.La révision triennale est plafonnée. La hausse du loyer ne peut en effet dépasser la variation de l'indice trimestriel de référence, soit :
La révision triennale est donc plafonnée, et ne peut dépasser la variation de ces indices de référence :
- L’indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) pour les activités commerciales ou artisanales ;
- L’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) pour les autres activités.
Pour déterminer le nouveau loyer lors de la première révision triennale, on applique la formule de calcul suivante :
Loyer en cours x (indice du trimestre de la révision/ indice de référence en vigueur).
Le bailleur peut demander le déplafonnement du loyer, c’est-à-dire le dépassement du loyer par rapport à la variation de l’indice de référence. Cela n’est possible que dans deux cas :
- en cas d’évolution des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence favorable sur les activités commerciales du locataire, justifiant une hausse de plus de 10% de la valeur locative. La modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative et ayant eu une incidence favorable sur l'activité commerciale du locataire ;
- en cas de changement d’activité du locataire (déspécialisation totale ou partielle du bail). La déspécialisation totale correspond à un changement d’activité alors que la déspécialisation partielle correspond à l’ajout d’une activité complémentaire à l’activité principale. La déspécialisation du bail par le locataire (c’est-à-dire son changement d'activité).
A noter : pour les contrats conclus ou renouvelés depuis septembre 2014, la variation de loyer ne peut aboutir à une augmentation supérieure à 10 % du loyer payé au cours de l'année précédente.
La révision conventionnelle
Les parties peuvent choisir d’insérer dans le bail commercial une clause d’échelle mobile, ou clause d’indexation, selon laquelle le loyer est révisé de plein droit sur la base d’un indice de référence. La révision du loyer s’opère alors selon les modalités fixées par les parties : en général, celles-ci choisissent une révision annuelle.
Dans le contrat de bail, les parties peuvent convenir de modalités différentes de révision de loyer. Par exemple, elles peuvent choisir d’insérer au contrat une clause-recette (ou clause de loyer variable), qui fixe le montant du loyer en fonction du chiffre d’affaires du locataire. Ce type de clause concerne rarement l’intégralité du loyer : en effet, ce dernier se décompose généralement en deux parties, l’une fixe et l’autre variable. La clause-recette, qui fait échec au mécanisme légal de la révision triennale, relève uniquement de la liberté contractuelle des parties.
La révision du loyer au moment du renouvellement du bail
Au terme du bail commercial (dont la durée minimale est de 9 ans), le locataire bénéficie d’un droit au renouvellement du bail.
Lors de ce renouvellement, le bailleur peut demander une révision du loyer. La demande doit être faite au plus tard 6 mois avant la date d’échéance du bail, uniquement par acte d’huissier. La demande peut également être adressée par le locataire, dans les 6 mois précédents l’échéance du bail, par acte d’huissier ou par lettre recommandée avec accusé de réception.
Dans les 3 mois de la signification de la demande de renouvellement, le bailleur doit manifester au locataire (par acte d’huissier) son acceptation ou son refus du renouvellement de bail. A défaut de réponse, il sera considéré comme ayant accepté le renouvellement.
En principe, le loyer est révisé à hauteur de la valeur locative des locaux. La valeur locative est déterminée par un accord des parties, ou, à défaut, des éléments déterminés par le code de commerce (caractéristiques du locaux, facteurs locaux de commercialité etc.)
La révision à hauteur de la valeur locative n’est pas sans limite. En effet, la variation du loyer ne peut excéder la variation que connaît l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, intervenue depuis la dernière fixation du loyer, sauf dans certains cas (disposition contraire dans le bail, modification notable des éléments déterminant la valeur locative etc.)
La révision à hauteur de la valeur locative est également limitée par le principe de lissage, qui plafonne la révision à une variation de 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
Que se passe-t-il en cas d’existence d’une clause d’indexation irrégulière ?
Selon l’article L.112-1 du Code monétaire et financier :"est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive et notamment des baux et location de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision”.
Par exemple, pour une indexation annuelle, la période de variation de l’indice ne peut pas excéder une année.
La Cour de cassation a par ailleurs posé le principe de la nullité d’une clause d’indexation qui ne varierait qu’à la hausse (Cass.civ, 14 janvier 2016). Ainsi, les clauses d’indexation insérées dans le bail commercial doivent prévoir une variation à la hausse mais aussi à la baisse.
Les points à retenir :
- Le loyer d’un bail commercial est librement déterminé par les parties. Une clause du bail peut également prévoir le versement d’un droit d’entrée au bailleur, appelé pas-de-porte.
- Les révisions ultérieures du loyer sont encadrées par la loi, dans un but de protection des intérêts respectifs des parties.
- On distingue la révision légale (ou triennale) de la révision conventionnelle.
- La révision conventionnelle a lieu par le biais d’une clause d’échelle mobile, aussi appelée clause d’indexation, par laquelle le loyer est révisé de plein droit sur la base d’un indice de référence.
- Les parties peuvent également choisir d’insérer au contrat une clause-recette (ou clause de loyer variable), qui fixe le montant du loyer en fonction du résultat d’exploitation du locataire.
- Lorsqu’une clause d’indexation est irrégulière, elle est réputée non écrite.
- La révision du loyer peut intervenir lors du renouvellement du bail commercial. Elle dépend de la valeur locative mais reste encadrée.
L’assistance d’un avocat spécialisé dans les baux commerciaux est essentielle lors de la rédaction d’un bail commercial, lequel nécessite un soin particulier. C’est en effet le contrat de bail qui définit le cadre des relations entre le bailleur et le locataire pendant neuf ans minimum. Il est donc fortement conseillé de faire appel à un avocat non seulement pour la rédaction du contrat de bail commercial, mais aussi tout au long de la vie du bail.