Pour des raisons non inhérentes à la personne du salarié, un employeur peut être contraint de prendre des mesures pouvant aller jusqu’au licenciement d’un ou plusieurs de ses salariés.
C’est le cas lorsque, pour des raisons qui ne relèvent pas d’une faute du salarié ou d’une insuffisance professionnelle, un employeur est contraint de procéder à des licenciements pour motif économique.
La procédure de licenciement économique est très encadrée par le Code du travail, et les procédures diffèrent selon le nombre de salariés concernés par le licenciement ainsi que la taille de l’entreprise.
Maître Alexane Chicheportiche, avocate spécialisée en droit social décrypte la procédure du licenciement économique individuel et collectif.
SOMMAIRE :
- Qu'est-ce que le licenciement économique ?
- La procédure de licenciement individuel pour motif économique
- La procédure de licenciement collectif de 2 à 9 salariés sur 30 jours
- La procédure de licenciement collectif de 10 salariés et plus sur 30 jours
- Pourquoi être accompagné par un avocat spécialisé ?
1. Qu'est-ce que le licenciement économique ?
Le licenciement pour motif économique, comme son nom l’indique, est utilisé par l’employeur pour des raisons économiques. Cela signifie que pour licencier un ou plusieurs de ses salariés, l’employeur ne se base pas sur des motifs personnels, sur la personne du salarié ou sur ses aptitudes à travailler.
Le licenciement économique peut être individuel (c’est-à-dire ne concerner qu' un seul salarié) ou collectif (c’est- à-dire concerner plusieurs salariés).
C’est l'article L.1233-3 du Code du travail qui précise que le licenciement pour motif économique est "effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
- à des difficultés économiques […] ;
- à des mutations technologiques ;
- une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
- à la cessation d’activité de l'entreprise”.
Les difficultés économiques pourront être démontrées dès lors que l’entreprise rencontre une baisse significative du chiffre d’affaires, du nombre de ses commandes, de pertes d'exploitation, etc. La jurisprudence a notamment admis qu’une baisse du chiffre d’affaires était significative dès lors qu’en comparaison avec l’année précédente, la baisse était égale à un trimestre pour les entreprises de moins de 11 salariés.
Les mutations technologiques peuvent entraîner des licenciements économiques dès lors que l’acquisition de nouveaux outils, machines entraînent la suppression d’une partie des missions du salariés.
La réorganisation de l’entreprise peut également entraîner des licenciements économiques à condition d'œuvrer pour la compétitivité et la sauvegarde de l’entreprise.
Enfin et à condition que celle-ci ne résulte pas d’une faute de l’employeur, la cessation définitive de l'activité d’une entreprise justifie le recours au licenciement économique
Bon à savoir : la justification de l’une de ces causes ne suffit pas pour procéder au licenciement économique. Encore faut-il que l’employeur ait tout mis en œuvre pour accompagner ses salariés et tenter de leur proposer des solutions de reclassement.
2. La procédure de licenciement individuel pour motif économique
La consultation des représentants du personnel ou du comité social et économique (CSE)
Le licenciement économique d’un seul salarié doit respecter une procédure stricte.
Toutefois, contrairement au licenciement collectif, la consultation du CSE (Comité Social et Économique) n’est pas obligatoire sauf si le licenciement économique individuel concerne un représentant du personnel.
La convocation à un entretien préalable
L’employeur doit dans un premier temps convoquer son salarié lors d’un entretien préalable. La lettre de convocation s’effectue par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. L’entretien ne pourra se tenir moins de 5 jours ouvrables après remise de cette lettre.
La lettre de convocation doit notamment comporter les informations suivantes : l’objet de l’entretien, la date, l’heure et le lieu de l’entretien, la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix parmi le personnel de l’entreprise ou par un conseiller du salarié extérieur à l’entreprise (les coordonnées de la mairie et de l’inspection du travail permettant de se procurer la liste départementale de ces conseillers, devra également être transmise).
L'entretien préalable
L'entretien préalable permet à l'employeur d'expliquer les raisons du licenciement et d’indiquer la possibilité pour le salarié de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Il s'agit d'un dispositif renforcé d'accompagnement du salarié pour favoriser son retour à l'emploi. Il concerne les salariés au sein des entreprises de moins de 1000 salariés, ainsi que celles de plus de 1000 salariés en cas de liquidation et redressement judiciaire. En dehors de ces hypothèses, les salariés de grandes entreprises peuvent bénéficier d'un congé de reclassement.
La lettre de licenciement
La notification du licenciement au salarié s'effectue par l'envoi d'une LRAR, au moins 7 jours ouvrables après l'entretien. Toutefois, ce délai est élargi à 15 jours ouvrables en cas de licenciement d'un cadre.
Par ailleurs, la lettre doit préciser le motif du licenciement, l'impossibilité de reclasser le salarié s'il y a lieu, la possibilité de bénéficier d'un CSP ou d'un congé de reclassement, la possibilité de bénéficier d'une priorité de réembauche pendant 1 an à compter du licenciement, et le délai d'1 an pour contester le licenciement.
L'information de la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi)
Dans les 8 jours suivant l'envoi de la lettre de licenciement, l’employeur est tenu d’informer la Direccte de ces projets de licenciements économiques.
Il s’agit d’une lettre recommandée avec avis de réception précisant notamment le nom, l’adresse, l’activité, l’effectif de l’entreprise, les coordonnées du salarié licencié ainsi que la date de notification du licenciement.
Le préavis
Le préavis doit être respecté sauf dispense de l'employeur ou acceptation d'un Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP).
Sa durée dépend de l'ancienneté du salarié : 1 mois pour une ancienneté entre 6 mois et 2 ans, et 2 mois au-delà de 2 ans d'ancienneté.
La fin du contrat de travail déclenche le versement des indemnités de licenciement et des éventuelles indemnités compensatrices de congés payés et de préavis.
L'employeur doit également transmettre au salarié les documents de fin de contrat : reçu de solde de tout compte, attestation Pôle emploi, etc.
3. La procédure de licenciement collectif de 2 à 9 salariés sur 30 jours
La procédure de licenciement économique collectif, c’est-à-dire qui concerne au moins deux salariés, est en grande partie similaire à celle du licenciement économique individuel à deux grandes exceptions prêtes : la consultation du CSE et l’ordre des licenciements.
En effet, dans le cadre d’un licenciement économique de 2 à 9 salariés, la consultation du CSE est obligatoire.
Pour rappel, le comité social et économique (CSE) est obligatoire dans les entreprises d'au moins 11 salariés depuis le 1er janvier 2020. Il remplace notamment les délégués du personnel (DP) présents dans les entreprises entre 11 et 49 salariés, et le comité d'entreprise (CE) pour les entreprises de 50 salariés et plus.
Dans les entreprises d'au moins 11 salariés, le CSE doit être consulté par l'employeur avant tout licenciement économique. Au cours de cette réunion, l'employeur informe le CSE sur le projet de licenciement (motifs, nombre de licenciements, calendrier prévisionnel des licenciements, etc), explique les mesures envisagées pour limiter les conséquences des licenciements sur les salariés, et répond aux questions des représentants du personnel. Le CSE rend un avis sous 1 mois, à défaut il est réputé avoir été consulté (article L1233-8 du Code du travail).
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE peut se faire assister d'un expert technique, comme un expert-comptable, afin de recueillir son avis.
En outre, dès lors que le licenciement économique concerne plusieurs salariés, l’employeur doit se référer au contenu de la convention collective ou du Code du travail afin de déterminer les salariés visés par ce licenciement, il s’agit de l’ordre des licenciements. Le motif économique du licenciement devra être caractérisé et le licenciement des salariés pourra avoir lieu après que tous les efforts d’adaptation et de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe aient été réalisés.
4. La procédure de licenciement collectif de 10 salariés et plus sur 30 jours
Le licenciement économique visant 10 salariés et plus sur une période de 30 jours fait appel à une procédure spécifique. Elle dépend notamment du nombre de salariés au sein de l’entreprise.
La consultation des représentants du personnel et du CES
Pour les entreprises de moins de 50 salariés (soit jusqu’à 49 salariés), l’employeur doit consulter le CSE. Cette consultation doit se tenir en deux réunions distinctes et séparées d’un délai maximum de 14 jours. Cette convocation doit être communiquée au moins 3 jours avant la réunion et renseigner un certain nombre d’informations comme les raisons économiques de ce licenciement, le calendrier de licenciement, les catégories professionnelles des salariés concernés...
Pour les entreprises de 50 salariés ou plus, un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) doit être mis en place. Pour cela, au moins 2 réunions avec le CSE, espacées de 15 jours minimum, sont organisées par l'employeur (sauf si l’entreprise subit une procédure de redressement ou liquidation judiciaire).
L'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)
L'objectif du plan de sauvegarde de l’emploi doit permettre à l'employeur de rechercher les moyens d'éviter ou de limiter les licenciements et de faciliter le reclassement des salariés (art. L. 1233-61 du Code du Travail).
Le PSE est soit négocié par les syndicats représentatifs et fixé par un accord collectif majoritaire, soit fixé par l'employeur de façon unilatérale puis validé après consultation des représentants du personnel.
L'information et le contrôle de l'administration
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la Direccte est informée par une LRAR de l'employeur adressant le procès-verbal de réunion avec les représentants du personnel. La Direccte a ensuite 21 jours pour contrôler la procédure de licenciement.
Pour les entreprises de 50 salariés et plus, l'employeur doit informer le CSE mais également la Direccte du projet de licenciement. La Direccte vérifie alors la conformité de la procédure et peut proposer des modifications au Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE). Le CSE, quant à lui, doit remettre un avis sur ce projet dans les 2 mois si le nombre de licenciements est inférieur à 100, 3 mois pour un projet comprenant entre 100 et 249 licenciements, et 4 mois au-delà de 250 licenciements.
L'entretien préalable
La convocation et l'entretien de chaque salarié visé par le licenciement n'est pas nécessaire lorsqu'il existe des représentants du personnel ou un CSE.
Toutefois, à défaut d'instances représentatives, tout comme pour le licenciement d'un salarié protégé, chaque employé est convoqué pour un entretien selon les modalités précédemment énumérées.
La lettre de licenciement
Si le contenu de la lettre ne diffère pas des autres cas, son délai d'envoi diffère toutefois. Ainsi, pour les entreprises de moins de 50 salariés, la lettre doit être envoyée dans un délai de 30 jours au moins à compter de la notification du licenciement à la Direccte.
Pour les entreprises de 50 salariés et plus, ce délai d’envoi est de 30 jours au moins après la validation du PSE par la Direccte, ou après l'expiration des délais de contrôle de celle-ci.
Le préavis et la fin du contrat de travail
Le contrat de travail ne prend pas fin dès la notification du licenciement économique.
Le salarié reste tenu d’exécuter son préavis sauf si l’employeur l’en en dispense ou si le salarié a accepté un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), un congé de reclassement ou de mobilité.
5. Pourquoi être accompagné par un avocat spécialisé ?
Vous l’aurez compris, la procédure de licenciement économique (individuel ou collectif) peut s’avérer complexe. Elle diffère grandement d’un licenciement classique et possède ses propres spécificités.
C’est la raison pour laquelle il est recommandé d’être accompagné par un professionnel, un avocat spécialisé en droit social (droit du travail) pour amorcer et gérer cette lourde étape.
Ceci d’autant plus que l’élément psychologique ne doit pas être ignoré. Comme nous l’avons dit, le licenciement économique ne porte pas sur la personne même du salarié, sa capacité à travailler, ce qui peut rendre l’annonce du licenciement d’autant plus difficile pour l’employeur. Ceci est amplifié lorsque l’entreprise subit des difficultés économiques ou que le licenciement collectif concerne une grande partie de la masse salariale.
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