La Coupe du Monde de football en Russie a débuté et une grande majorité des matchs se dérouleront pendant les horaires de travail. Quel dilemme pour les vrais fans de football... qui se retrouveront coincés dans les bureaux pendant cet évènement tant attendu.
Vous vous demandez si les salariés ont le droit de regarder les matchs de la Coupe du Monde de football au travail ? La réponse dans cet article !
SOMMAIRE :
Que dit la loi exactement ?
Vous êtes journaliste sportif ? Commentateur sportif ? Vous travaillez en régie à Téléfoot ? Non ? Eh bien, pas de chance. La loi est claire sur le sujet : si votre activité professionnelle n'impose pas que vous suiviez ce type d'évènement, vous n'avez pas le droit de regarder du sport sur un écran (= une activité personnelle) pendant votre travail.
Rien dans le code du Travail n'interdit expressément de regarder du sport, des films ou séries sur son lieu de travail. Mais l’article L3121-1 indique clairement que "la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles". Autrement dit : les activités personnelles sont prohibées pendant le travail.
Ceci dit, la pratique et les usages ne respectent pas toujours forcément la loi... surtout pendant des grands évènements comme la Coupe du Monde de foot (et encore plus quand l’Equipe de France y participe).
Et en pratique ?
Le plus souvent, les fans de foot et leurs employeurs arrivent à trouver un accord (un "modus vivendi" comme on le dit chez nous) avec des horaires aménagés. Les employés peuvent même parfois se mettre en congés, sous l'oeil bienveillant de leur employeur.
Certaines entreprises mettent carrément à disposition de leurs employés une télévision le jour J, ou un grand écran dans la salle de réunion. Par simple bienveillance pour les employés ou tout simplement pour créer un moment de cohésion et partage entre employés.
Lorsque l'employeur ne propose pas ce genre d'aménagements, certains employés suivent les matchs depuis leurs ordinateurs ou écrans professionnels sans en avoir vraiment l’autorisation. Peut se poser dans ce cas une vraie question juridique si l’employeur en vient à contrôler l'utilisation d'Internet.
La CNIL estime en effet que le contrôle de l’utilisation d’Internet par l’employeur a des limites : « Un usage raisonnable d’Internet par le personnel, non susceptible d’amoindrir les conditions d’accès professionnel au réseau ne mettant pas en cause la productivité est généralement et socialement admis par la plupart des établissements », précise l'autorité de contrôle.
Par ailleurs, il est même estimé par d'autres instances qu’un tel contrôle serait une atteinte aux libertés du salarié.
Qu'en est-il alors d'un employé qui visionne le match depuis son smartphone ou sa tablette personnelle ? Tout dépend de la capacité de votre employé à exécuter ses missions ainsi que de la légalité de la plateforme de visionnage. Si les matchs sont visionnés sur les ordinateurs ou matériels appartenant à l'entreprise en streaming illégal, votre responsabilité en tant qu'employeur pourra être retenue.
Quelles sont les sanctions encourues ?
Comme 1/4 des entreprises françaises (selon un sondage de BureauxLocaux), vous refusez que vos salariés visionnent les matchs au travail ? Que faire si vos employés ne respectent pas cette interdiction ? Des sanctions graduées pourront être appliquées, allant de l’avertissement au licenciement pour faute grave, en passant par le blâme ou encore la mise à pied disciplinaire de quelques jours sans rémunération. Ces sanctions seront d'autant plus justifiées si elles concernent un employé ayant déjà eu des antécédents de mauvaise conduite.
En cas de saisine des prud’hommes, les juges vérifieront forcément la justesse et la proportionnalité de la sanction par rapport aux faits reprochés (des cas de licenciements ont déjà été validés).
Quid des salariés en pause ? Les employés sont libres, à condition de ne pas déranger le fonctionnement de l’entreprise. Ils peuvent donc jeter un coup d'oeil sur un match tant qu'ils ne gênent pas l'accomplissement du travail dans la société.
Qu'en est-il de la consommation d'alcool au travail ?
Vous autorisez vos salariés à se réunir pour visionner le match sur leur lieu de travail, mais difficile pour certains de ne pas accompagner cet évènement d'une petite bière.
Alors qu'en est-il de la consommation d'alcool sur le lieu de travail ?
Par principe, "aucune boisson alcoolisée n’est autorisée sur le lieu de travail" selon la loi (art. R4228-20 Code du Travail)
Pourtant le Code du Travail tolère la consommation raisonnable de 4 types d'alcool sur le lieu de travail : le vin, la bière, le cidre et le poiré.
Mais est laissé à la charge de l'employeur le soin de fixer les limites de cette consommation dans le règlement intérieur (ou par une note de service pour les entreprises de moins de 20 salariés). Ces restrictions se justifient en vertu de l'obligation de sécurité qui incombe à l'employeur : "lorsque la consommation de boissons alcoolisées,[...] est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs". Les limitations ou l'interdiction de consommation d'alcool doit être proportionnée au but recherché. C'est notamment le cas pour les professions à risque (chauffeur, travailleurs de chantier, etc.).
Et en cas d'accident causé par l'un de vos salariés ivre?
Même en l'absence de faute de la part de l'employeur, la victime pourra donc se retourner contre l'employeur afin d'obtenir un dédommagement. Les sanctions pouvent aller jusqu'à des poursuites pénales pour homicide involontaire ou non-assistance à personne en danger pour les cas les plus graves. L'employeur encourt alors une peine de 3 ans d'emprisonnement et 45 000€ d'amende.
Enfin, il est évidemment interdit de laisser entrer un salarié ivre sur le lieu de travail (art.R4228-21 du Code du Travail), la sanction pouvant aller d'une amende de 3750€ à 9000€ en cas de récidive.
Pour profiter d'un Mondial en toute sérénité, les employeurs ont donc tout intérêt à fixer un cadre clair sur le droit (ou non) pour leurs salariés de consommer de l'alcool et de visionner les matchs sur le lieu de travail.