Fin août 2017, suite à une concertation, le gouvernement d’Edouard Philippe a présenté 5 projets d’ordonnance pour « révolutionner » le droit du travail et notamment le dialogue social.
En Septembre, les derniers ajustements ont été faits et les ordonnances publiées au Journal officiel le 23 septembre 2017.
Un grand nombre d’observateurs ont jugé que ces ordonnances actaient un changement profond du droit social avec effectivement une correction du Code du travail tel qu’il existait jusqu’alors.
Les principaux changements concernaient la négociation collective (chamboulée dans ses standards et dans son accès dans les petites entreprises), l’organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et les relations de travail avec notamment la fin de la primauté des accords de branche (la fameuse inversion de la norme) et l’assouplissement de certaines règles a priori favorables aux employés.
Si on veut classer ces ordonnances, on peut en distinguer 3 principales et 2 ordonnances spécifiquement « techniques ».
Les 3 principales ordonnances
L’ordonnance no 2017-1385 relative au renforcement de la négociation collective.
La hiérarchie entre un accord de branche et un accord d’entreprise est redéfinie par cette ordonnance.
Elle définit les « matières » où la convention de branche prévaut sur la convention d’entreprise, sauf si cette dernière assure des garanties au moins équivalentes.
C’est le cas par exemple en ce qui concerne la mutualisation des fonds de la formation professionnelle et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
L’ordonnance précise aussi les thèmes à propos desquels la convention de branche pourra interdire les clauses dérogatoires des accords d’entreprise postérieurs, sauf si la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes. C’est le cas par exemple pour l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.
Pour finir, l’ordonnance indique les domaines où les dispositions de la convention d’entreprise prévalent sur celles ayant le même objet de la convention de branche.
Sont aussi précisés par cette ordonnance :
- La périodicité de la négociation des accords collectifs (pouvant être déterminée par accord dans la limite de 4 ans)
- La validation des accords dans les entreprises ayant des délégués syndicaux
- Les modalités de négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés sans délégué syndical
- La contestation des accords :
o Toute demande d’annulation d’un accord collectif doit être faite dans un délai de 2 mois à compter de la publicité de l’accord.
o Contester la légalité de l’accord doit commencer par démontrer sa non-conformité ( charge de la preuve aux demandeurs).
o Le juge peut décider qu’une annulation ne vaut que pour l’avenir et ne change pas les situations résultant de l’application de l’accord avant son annulation.
- L’extension des accords collectifs
- L’accélération de la restructuration des branches professionnelles
L’ordonnance n°2017-1386 est relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique
Cette ordonnance créée notamment le Comité social et économique (CSE) qui remplace les instances représentatives que sont les délégués du personnel (DP), le Comité d’entreprise (CE) et le Comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT).
L’ordonnance précise toutes les modalités de remplacement et l’attribution des rôles et responsabilités du CSE.
Cette instance est obligatoire quand on dépasse 11 salariés mais que son rôle est vraiment développé au delà de 50 salariés (Entre 11 et 50 salariés, le CSE a les mêmes missions que les délégués du personnel).
Une commission santé, sécurité et conditions de travail est obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
L’ordonnance n°2017-1387 concerne la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
Cette ordonnance se subdivise en 6 points :
- mise en place d'un barème obligatoire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (non applicable si le licenciement est nul -harcèlement moral ou sexuel- ou en cas de violation d'une liberté fondamentale quand le salarié ne demande pas sa réintégration – par exemple en cas de licenciement pour des motifs discriminatoires ou d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle)
- changement des barèmes de l’indemnité légale de licenciement
- mise en place d’un modèle de lettre de licenciement (qui précise les droits et obligations de chaque partie et permet à l’employeur de préciser les motifs de licenciement a posteriori)
- modification des règles applicables dans les cas de licenciement pour motif économique (le territoire national est maintenant la limite pour apprécier les problèmes économiques, de même que pour chercher un poste de reclassement ; le secteur d’activité où les difficultés économiques doivent être établies est redéfini)
- le télétravail est instauré officiellement comme possibilité mais en cas de refus, l’employeur n’a pas à se justifier, ce qui empêche de fait tout effet concret de cette mesure.
Les 2 ordonnances techniques
L’ ordonnance n°2017-1388 précise le cadre de la négociation collective.
Cette ordonnance change le régime de l’extension et de l’élargissement des accords collectifs. Elle permet aussi au Ministre du Travail d’exclure certaines clauses dans une extension d’accord de branche en justifiant par exemple d’un « motif d’intérêt » général.
Le ministre pourra aussi rendre dépendantes les clauses relatives à des stipulations complémentaires de la convention ou de l’accord, à l’existence d’une convention d’entreprise prévoyant aussi ces stipulations.
L’ordonnance prend en compte la spécificité de la situation des TPE.
L’ordonnance n°2017-1389 concerne la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention.
Concrètement, le compte pénibilité devient le compte professionnel de prévention, et les obligations des employeurs sont allégées.
Avant, les employeurs avaient l’obligation de déclarer l’exposition des salariés à 10 facteurs de risques (contraintes physiques marquées, environnement physique agressif ou rythme de travail éprouvant) quand les niveaux réglementaires étaient dépassés.
Avec l’ordonnance n°2017-1389, il n’y a plus que 6 facteurs de risques liés à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail (activités en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif) et l’obligation de déclaration n’existe plus pour les risques liés à des contraintes physiques marquées (postures pénibles, vibrations mécaniques, manutention manuelle des charges) ou à des agents chimiques dangereux (y compris poussières et fumées).
Ces 4 facteurs dépendent maintenant du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente (ou retraite anticipée « pénibilité »).
Par ailleurs, le financement du compte professionnel de prévention est désormais du ressort de la branche accidents du travail – maladies professionnelles de la sécurité sociale et par conséquent, les entreprises n’auront plus à s’acquitter de la cotisation générale de 0,01 % et même celles qui ont exposé leurs salariés à des facteurs de pénibilité dépassant les seuils ne paieront plus la cotisation additionnelle de 0,2 % ou 0,4 %.