La réforme du code de travail est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre actuellement. En effet, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de réviser le code de travail une fois élu.
Le sujet est d’autant plus épineux qu’il a fait savoir après son élection qu’il désirait aller au-delà de la "loi Travail El Khomri" qui a été en 2016, cible de nombreuses protestations. Le gouvernement compte finir avec cette ambitieuse réforme d’ici le 20 septembre.
Le président a prévu d'agir par ordonnance au cours de l’été 2017 pour atteindre ses objectifs. Parmi les mesures au cœur de cette réforme et suscitant beaucoup de débats, figurent les accords d’entreprises, le licenciement économique et le compte pénibilité.
Que prévoient au juste les projets du gouvernement d'Edouard Philippe à propos de ces sujets ?
SOMMAIRE :
La primauté des accords d’entreprise sur les accords de branches
Voilà l’une des mesures les plus épineuses du projet de révision d’Emmanuel Macron (Parfois évoquée par l'expression "inversion de la hiérarchie des normes"). Il s’agit d’une mesure consacrée par l’article 1er du projet de loi d’habilitation proposé par le gouvernement. Ce dernier compte «ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective».
Il précise que l’objectif est d’« attribuer une place centrale à la négociation collective d’entreprise ». En d’autres termes, le gouvernement désire favoriser les négociations à l’échelle de l’entreprise, non seulement selon les spécificités des branches professionnelles, mais surtout selon les spécificités et les besoins de l’entreprise.
En effet, la loi El Khomri (loi travail) a déjà consacré la primauté de l’accord d’entreprise sur le code de travail. Mais cette primauté ne concernait que la durée et l’organisation du travail. Une inversion de la hiérarchie habituelle (la loi ou l'accord du niveau "supérieur" prévaut sur celle du niveau "inférieur) qui à l’époque avait suscité beaucoup de réactions de la part des syndicats.
Avec ce nouveau projet de révision, le gouvernement souhaite consacrer de nouveaux thèmes qui pourront être soumis à l’accord collectif d’entreprise. Pour l’heure, on ne peut dire avec exactitude quels seront ces nouveaux thèmes.
Aussi, le gouvernement définira les domaines pour lesquels la convention ou l'accord d'entreprise ne pourra se différencier des accords de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels.
Notons ici que cet article 1er du projet de loi d’habilitation de la réforme du travail a déjà été adopté à l’assemblée nationale ce mardi 11 juillet avec 143 pour, 51 contre et 2 abstentions.
Le principal argument des opposants sur ce sujet étant la protection des salariés pouvant être soumis à la pression de la direction et du chantage à l'emploi.
La redéfinition du périmètre de licenciement économique
On parle de licenciement économique lorsqu’un employeur met fin au contrat de travail d’un employé pour des raisons non inhérentes à la personne de ce dernier, mais en raison de difficultés économiques de l’entreprise.
La loi Travail, dans l’optique de simplifier ce type de licenciement, avait défini les critères sur lesquels doivent se baser les entreprises pour le prononcer. Ces critères étaient définis en fonction de la taille des entreprises.
La loi d’habilitation que soumet le gouvernement à l’Assemblée Nationale veut aller plus loin en ajoutant d’autres critères.
En effet, l’avant-projet d’habilitation évoque la volonté du gouvernement de prendre désormais en considération le « périmètre géographique et le secteur d’activitédans lesquels la cause économique est appréciée ». De façon concrète, cela signifie qu’un groupe international pourrait par exemple réduire l’effectif des salariés de sa filiale installée en France, bien qu’il ait produit de bons résultats à l’échelle mondiale. Des garde-fous devront donc être mis en place par le gouvernement pour bien encadrer ce type de licenciement.
Par ailleurs, notons que le projet du gouvernement prévoit aussi de plafonner les indemnités prud’homales pour tout licenciement sans cause réelle. Il s’agit d’une mesure qu'Emmanuel Macron, alors ministre, avait déjà proposée à l’été 2015, mais qui avait été retoquée par le conseil économique. Le gouvernement revient donc à charge « en fixant des planchers et des plafonds obligatoires, en fonction notamment de l’ancienneté». Le juge devra donc respecter ces plafonds sauf dans certaines situations (licenciement issu d’un harcèlement ou d’une discrimination).
Simplification du compte pénibilité
Le compte pénibilité est un dispositif entré en vigueur par étapes en 2015 et permettant aux salariés du secteur privé occupant un poste « pénible » de cumuler un certain nombre de points qui leur permettraient d’aller à la retraite plus tôt ; de passer d’un travail à temps plein à un travail à temps partiel ou de bénéficier d’une aide au financement pour suivre une formation afin de se reconvertir professionnellement. Il porte sur dix critères.
Vivement dénoncé par le patronat, ce dispositif va être profondément réformé dans le cadre de la réforme de la loi de travail. En effet, dans une lettre envoyée aux partenaires sociaux le samedi 8 juillet, le Premier ministre Edouard Philippe a dévoilé les modifications qui seront apportées au compte pénibilité.
En premier lieu, on ne parlera plus de compte pénibilité. Ce nom sera changé au profit de « Compte professionnel de prévention ».
Ensuite, le dispositif sera maintenu tel quel pour 6 critères des 10 qu’il comprend. Pour les 4 autres — manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques — les règles seront modifiées.
En effet, selon la correspondance du Premier ministre, les salariés qui sont exposés à ces risques pourront toujours bénéficier d’un départ anticipé à la retraite, mais seulement quand « une maladie professionnelle a été reconnue » et quand « le taux d’incapacité permanente excède 10 % ».
L’autre modification concerne le changement du financement du compte. En réalité, Edouard Philippe précise dans sa lettre que seront supprimées les deux cotisations actuelles et que « le financement des droits en matière de pénibilité sera organisé dans le cadre de la branche accidents du travail/maladies professionnelles ». Voici donc pour conclure ce que renferment ces trois mesures prévuent par le gouvernement dans le cadre de la réforme du droit de travail. Cependant, la réforme ne porte pas seulement sur ces trois mesures. Beaucoup d’autres points sont également concernés et devront faire l'objet d'un suivi détailé, tels que la présomption de légalité des accords d’entreprise, le référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur, l’extension du champ des CDI de chantier, etc.