À compter du 1er janvier 2018, les autoentrepreneurs n’auront plus le droit de tenir leur comptabilité ou de faire leurs factures avec Word, Excel ou tout autre logiciel non certifié. Ils devront utiliser un logiciel antifraude.
C’est du moins ce que prévoit la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, modifiant le Code Général des Impôts.
Il s’agit d’une mesure visant à éviter les pratiques frauduleuses de certains commerçants ou artisans tentés de dissimuler la réception de paiements en espèces. De manière générale, elle permet la traçabilité de tous les paiements et ainsi évite la fraude à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Dans le présent article, nous expliquons la substance de cette loi et les conséquences qu’elle a sur le statut d’autoentrepreneur.
SOMMAIRE :
Champ d’application de la loi
La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 prévoit à son article 88 qu’une personne assujettie à la TVA doit «lorsqu’elle enregistre les règlements de ses clients au moyen d’un logiciel de comptabilité ou de gestion ou d’un système de caisse, utiliser un logiciel ou un système satisfaisant à des conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue du contrôle de l’administration fiscale…»
Il ressort de cet article que cette loi antifraude s’appliquera à tous les assujettis à la TVA, des personnes physiques ou morales de droit public ou privé, utilisant un logiciel pour l’enregistrement des règlements de leurs clients.
Mais maintenant aussi, l’administration fiscale précise que ceux qui relèvent du régime de la franchise en base de TVA sont concernés par cette mesure. D’où la nouvelle exigence pour les autoentrepreneurs.
Les conditions à respecter
La loi sus-citée énonce quelques conditions à respecter quant à la protection des données de prestation de service ou de transaction commerciale. On distingue :
Inaltérabilité
Le logiciel de comptabilité ou de gestion ou le système de caisse qu’auront à adopter les autoentrepreneurs doit pouvoir conserver toutes les données d’origines, relatives aux divers règlements de l’entreprise. Le logiciel doit rendre les données inaltérables. Si des corrections sont apportées, elles devront également être enregistrées avec tous les détails (année, mois, jour, heure, minute).
Sécurisation des données
Les données d’origine, les données de modifications enregistrées et les données qui permettent de produire des pièces justificatives émises doivent toutes être sécurisées par le logiciel de comptabilité ou de gestion ou le système de caisse.
Conservation des données
Dans le processus d’enregistrement, une clôture doit être prévue par le logiciel de comptabilité ou de gestion ou le système de caisse. Cette clôture doit intervenir par exercice, si l’exercice n’est pas calé sur l’année civile. Sinon, la clôture intervient à l’issue d’une période annuelle au minimum. Mais en plus, les systèmes de caisse doivent obligatoirement prévoir une clôture journalière et une clôture mensuelle. Les données de règlement enregistrées doivent être conservées pour un délai de 6 ans.
Archivage des données
Selon une périodicité choisie — au maximum annuelle ou par exercice — les données enregistrées devront être archivées. La procédure d’archivage doit prévoir un dispositif qui garantit l’intégrité des archives dans le temps. Elle doit également garantir la conformité de ses archives avec les données à partir desquelles les archives ont été effectuées. La traçabilité des opérations d’archivage doit être prévue. Le but est de rendre ces données facilement accessibles à l’administration.
Modalités de justification et sanction en cas de non-respect
La loi exige que les conditions énumérées ci-dessus soient justifiées. Selon le même article 88, cette justification doit se faire «par un certificat délivré par un organisme accrédité dans les conditions prévues à l’article L. 115-28 du code de la consommation ou par une attestation individuelle de l’éditeur, conforme à un modèle fixé par l’administration».
Il faut donc avoir soit le certificat soit l’attestation individuelle.
Par ailleurs, la loi prévoit des sanctions en cas de non-respect de ces exigences.
En effet, si à partir du premier janvier prochain, l’URSSAF opère un contrôle chez un auto-entrepreneur et constate que ce dernier ne dispose pas d’un logiciel respectant les normes, il devra payer une amende de 7500 € et aura 60 jours pour régulariser sa situation.
Conséquences pour les autoentrepreneurs
Cette loi antifraude complique un peu la tâche des autoentrepreneurs (rebaptisés microentrepreneurs depuis la loi Pinel). En effet, ces derniers choisissent généralement leur statut en raison de la gestion simplifiée qu’il permet.
Dès lors, avec cette réforme ainsi que celle de 2016 qui imposait un double compte bancaire, la gestion n’a plus rien de simplifié.
De plus, l’utilisation d’un logiciel ou système, tel qu’il est imposé par la loi, crée d’autres frais qui vont s’ajouter à ceux déjà supportés par l’autoentrepreneur.
Mais au-delà de ces raisons, un grand problème réside dans le fonctionnement même de l’auto-entrepreneuriat. En effet, s’ils sont officiellement assujettis à la TVA, les textes autorisent les auto-entrepreneurs à ne pas facturer cette taxe en dessous d’un seuil donné de chiffres d’affaires. Les soumettre donc à une telle réforme ne va certainement pas les arranger. Par ailleurs, la loi prévoit une amende de 7500 € en cas de non-respect avec une régularisation sous 60 jours alors que les microentrepreneurs qui sont véritablement actifs déclarent en moyenne un chiffre d’affaires annuel d’environ 17 000 euros. Ces entreprises auront donc beaucoup de mal à faire face à ses exigences. En résumé, l’obligation d’utiliser un logiciel certifié qu’impose la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 vise à éviter les pratiques frauduleuses de certains entrepreneurs qui se servent de logiciels truqués pour dissimuler des paiements reçus.
Toutefois, selon les précisions qui auraient été obtenues par la Fédération des Autoentrepreneurs, les micro-entrepreneurs qui font leur gestion sur papier pourront toujours continuer à le faire quand la loi entrera en vigueur... à condition qu’il n’y ait jamais eu, par le passé, des factures et devis établis de manière numérique.